Marchés financiers : et maintenant ?
Les marchés actions ont enregistré un rebond spectaculaire jusqu’à fin avril. A cette date, ils avaient regagné ce qu’ils avaient perdu fin 2018. Le mois de mai a été fidèle à sa réputation (Sell in may and go away) ; en effet, depuis fin avril, les marchés ont baissé de près de 7%.
La hausse de début d’année a été déclenchée par le radical changement de ton de la FED qui a momentanément abandonné ses ambitions de normalisation de politique monétaire alors même que la conjoncture économique américaine commençait à montrer quelques timides signes de ralentissement.
Depuis le début d’année, le ralentissement économique a poursuivi son chemin, et les points de fragilité se multiplient. La direction des marchés au cours des sept derniers mois de 2019 devrait se référer principalement au contexte économique, lequel est devenu particulièrement terne depuis quelques semaines.
La croissance globale est en phase de ralentissement, et les indicateurs avancés du cycle économique, notamment les indices PMI manufacturiers, sont globalement mal orientés. La faiblesse de l’activité dans les secteurs industriels cycliques, comme les semi-conducteurs ou l’automobile, laisse entendre que les cycles de remplacement des biens de consommation durables se sont visiblement allongés. Aux États-Unis, l’activité dans le secteur de la construction demeure faible.
Entre les assouplissements des politiques des banques centrales et le ralentissement économique qui se concrétise, les marchés sont dans le doute et après avoir été rassurés par le maintien des flux de liquidités, ils prennent en compte les multiples risques qui pourraient avoir un impact sur les résultats des entreprises.
Les perspectives pour les indices actions risquent de briller par leur médiocrité à partir des niveaux actuels, compte tenu de niveaux de valorisations moyens reconstitués depuis le début de l’année, et de perspectives de croissance de résultats des entreprises extrêmement atones.
En Europe comme aux États-Unis, on constate que les secteurs qui se sont le mieux comportés sur les huit derniers mois, période incluant la baisse de fin 2018 ainsi que le rebond de début 2019, sont les secteurs les plus défensifs : l’agroalimentaire et les services aux collectivités en Europe (en hausse de plus de 10% sur la période, contre -2,5% pour l’ Euro Stoxx 600), et les biens de consommation de base ainsi que les « utilities » aux États-Unis (en progression de 4% et 10% sur la période, contre -3% pour l’indice S&P 500).
Dans cette phase de ralentissement, la dispersion des performances entre valeurs pourrait s’avérer un vecteur de performance très sensible, au contraire de 2018 quand l’appréciation sur la direction des indices s’était avérée beaucoup plus importante pour la performance.
Du côté des taux, les emprunts d’Etats sont restés relativement stables, à l’exception de l’Italie, alors que les obligations de rendement ont progressé (dettes d’entreprises, dettes émergentes, etc.) L’inversion des courbes de taux obligataires (généralement un signe de récession imminente) a conduit de nombreux investisseurs, à rester attentistes.
Le ralentissement prolongé de la croissance dans la zone euro, l’impasse politique du Brexit ou un nouveau retard dans la résolution de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine pourraient conduire à un nouvel épisode de turbulences, ce qui nécessite de prendre quelques précautions.
L’idée d’une récession aux États-Unis en 2020 gagne du terrain et dès 2019, la conjoncture américaine risque d’être moins favorable. La guerre commerciale s’accentue. La Maison Blanche a annoncé l’imposition, à compter du 10 juin, des tarifs douaniers sur tous les biens en provenance du Mexique en rétorsion à l’afflux d’immigrés clandestins entrant aux États-Unis par la frontière avec le Mexique.
La Chine a accusé dimanche les Etats-Unis d’être responsables de l’impasse dans les négociations commerciales entre les deux pays, reprochant à Washington d’être revenu à trois reprises sur ses engagements.
Les Chinois commencent à mettre en place une stratégie de rétorsion contre les mesures américaines en laissant filer leur monnaie. Cette arme pourrait être terrible car elle aurait comme conséquence de redonner immédiatement une compétitivité aux produits chinois et relancerait la guerre des changes, qui, de toute façon, s’avère être un corolaire de toute guerre commerciale.
Pour que le rallye boursier puisse aller significativement au-delà, il faudra désormais de nouveaux arguments tangibles comme une détente durable sur le front des dossiers tarifaires entre les Etats-Unis et la Chine, mais aussi l’UE, sans oublier le Brexit.
De même, un redémarrage des indicateurs avancés, notamment en Chine et en Europe, augurerait d’un coup d’arrêt aux révisions en baisse des prévisions économiques et des prévisions sur les résultats des entreprises.
Les prochaines semaines seront décisives. Les Banques centrales ont fait leur part du travail. Les entreprises seront réactives. Reste à espérer que les dossiers géopolitiques en suspens iront en s’apaisant.
A court terme, la volatilité des marchés devrait augmenter ; elle est à ce jour sur des niveaux inférieurs à ceux du début d’année. A mesure que la croissance mondiale ralentit, l’incertitude relative aux prévisions des taux d’intérêt à terme, de l’inflation et des bénéfices d’entreprises va s’accroître.
Les marchés aiment les certitudes, et compte tenu de tous les risques que nous avons énumérés, il est fort probable que la volatilité pourrait augmenter plus fortement dans les prochaines années que lors des dernières années.
Dans le cadre d’une gestion d’actifs diversifiée tenant compte des besoins des investisseurs, la vigilance et la réactivité sont les maîtres mots dans ce contexte économique peu consensuel et fort dépendant de réactions politiques qui peuvent sembler parfois totalement déconnectées des intérêts économiques et financiers.