Les taux baissent et les marchés montent.
La politique monétaire des banques centrales, toujours aussi accommodante fait monter le thermomètre sur les marchés. La bourse américaine inscrit des records.
Depuis 2014, la BCE applique un taux négatif sur les réserves excédentaires (et facilités de dépôts) des banques commerciales. Cette politique vise à amplifier le caractère expansionniste de la politique monétaire.
La BCE n’est ni la seule ni la première banque centrale à avoir baissé un taux directeur sous la barre symbolique de 0 %. Dès juillet 2009, la banque centrale de Suède – la Riksbank – a réduit le taux sur les dépôts à -0,25 %. Ce passage à des taux négatifs, en tant que nouvel outil de politique monétaire non conventionnelle, suscite de nombreuses interrogations quant à son impact sur l’économie et à la capacité des banques centrales à atteindre leurs objectifs.
Les banques de la zone euro paient aujourd’hui 0,4% de taux négatifs sur environ 1900 Mds € de réserves excédentaires, soit environ 7,5 Mds€ par an.
Le Danemark, le Japon et la Suisse sont d’autres pays dont la Banque Centrale a également adopté la baisse de son taux directeur en dessous de 0%. Les conséquences de taux officiellement négatifs sont vastes. Leur utilisation perturbe tout le fonctionnement de l’économie. Les taux négatifs modifient tout calcul économique et facilitent donc une valorisation excessive de tous les actifs. Les prix des biens immobiliers s’envolent, et tout ce qui peut s’acheter se renchérit. Les bulles de valorisation se créent un peu partout.
Par l’application de cette politique, les situations problématiques que les banques centrales cherchent à éviter sont de deux sortes : la déflation (baisse continue des prix et de l’activité économique) et la fluctuation non contrôlée du taux de change. Des cinq banques centrales qui se sont engagées dans cette voie des taux négatifs, dans le monde, trois justifient leur action par le premier danger : la BCE, la Riskbank de Suède et la Banque du Japon. Quant au Danemark et à la Suisse, ils veulent empêcher que leurs devises, qui sont de véritables valeurs refuges, s’envolent face à l’euro. Une exception est à noter aux États-Unis, où la Réserve fédérale (Fed) avait à contrario relevé ses taux, cette politique ayant été tout récemment infléchie par la première baisse des taux depuis 8 ans.
Les incertitudes sur l’économie mondiale, alimentées principalement par la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, augmentent les risques de pertes sur les actions et les emprunts des entreprises. Les investisseurs se tournent donc vers les dettes souveraines des pays développés, car elles sont plus sûres et permettent ainsi de compenser de possibles pertes. Deuxième économie de la zone euro, la France est un placement idéal car l’Allemagne emprunte de moins en moins et la dette italienne est de plus en plus risquée.
Depuis plusieurs semaines, on observe le retour de taux d’intérêt négatifs sur des échéances plus ou moins longues. Les taux d’intérêt des obligations de l’Etat allemand sont ainsi négatifs jusqu’aux échéances de 15 ans. Pour la première fois dans l’histoire, le taux de la dette de la France à dix ans est négatif.
Le taux d’intérêt des bons du Trésor français à dix ans (OAT 10 ans) est tombé à -0,13%, contre plus de 1% début 2018. En d’autres termes, il faut payer pour avoir le privilège de prêter à l’Etat français !
Cette baisse des taux, incite les Etats européens déjà surendettés à continuer d’augmenter leur dette ; la dette publique continue sa progression.
Selon les statistiques de la Banque des règlements internationaux (BRI), plus de 7 000 milliards de dollars d’obligations émises dans le monde le sont actuellement à des taux inférieurs à zéro, mais exclusivement en Europe continentale et au Japon, où cela concerne environ la moitié des titres publics. Les entreprises qui ont accès direct aux marchés financiers en bénéficient également. De nombreuses entreprises comme Schneider Electric ou Veolia ont émis des obligations à taux négatif.
.En revanche, si les fonds d’investissement et les banques n’ont d’autres solutions d’investissement pour l’épargne qu’ils ont à leur disposition que de la placer pendant dix ans sur un produit qui ne rapporte rien, c’est probablement qu’il y a un excès d’épargne par rapport à l’utilisation qu’on pourrait en faire. Ce qui conduit de nombreux économistes, à réclamer davantage d’investissements publics en Europe. Sans succès pour l’instant.
La politique monétaire des taux nominaux nuls ou négatifs a pour effet de protéger les niveaux artificiellement gonflés des prix d’actifs et d’empêcher leur décrue.
A noter que cette politique monétaire extrême de la BCE depuis 2014 a eu peu d’effets réels sur la croissance mais de graves effets pervers, dont l’accentuation des inégalités et l’incitation à l’excès d’endettement.
Ce stimulus monétaire a enrichi mécaniquement les titulaires de patrimoines élevés qui ont profité de l’aubaine des taux bas pour démultiplier leur patrimoine immobilier en faisant jouer l’effet de levier et ont concomitamment bénéficié de la hausse des actifs risqués
En Europe la hausse des prix de l’immobilier a été de 4,2% en 2018, soit une hausse près de deux fois plus rapide que celle des salaires.
Les conséquences de ce niveau de taux sont très problématiques à moyen-long terme pour les banques et les compagnies d’assurance.
On peut s’attendre à une nouvelle dégradation des revenus nets d’intérêts des banques. Les banques gagnent de l’argent sur la différence entre les intérêts qu’elles touchent sur un crédit immobilier ou sur une obligation d’Etat et les intérêts qu’elles payent sur les livrets des clients ou sur leur propre dette. Elles peuvent compenser en partie en réduisant la rémunération des livrets, mais plus on s’approche de 0 %, moins elles ont de marge de manœuvre.
C’est sur le front de l’assurance vie, et plus précisément du fonds en euros, que les risques sont les plus nombreux. Pour assurer la garantie en capital de ces fonds, les assureurs investissent à plus de 80 % leur collecte en obligations, d’État, d’entreprises ou de banques… dont les rendements sont au plancher.
Aujourd’hui, la croissance européenne ralentit fortement. La croissance américaine commence à décliner. La croissance chinoise est au plus bas depuis la publication de statistiques officielles et pour autant tous les actifs suivent une longue courbe d’appréciation.
Désormais, à l’instar de ce qui se passe outre atlantique avec un locataire de la Maison Blanche focalisé sur la tendance de Wall Sreet,il semble que les dirigeants des banques centrales ont les yeux rivés sur les marchés financiers et ont comme objectif premier d’éviter l’étincelle qui déclenchera la prochaine crise financière et économique.
Quelle sera la marge de manœuvre dont ces banques centrales disposeront pour enrayer cette prochaine crise ? C’est là tout le sujet pour l’Europe.