Le message des marchés financiers
Décembre 2018 restera dans les mémoires des opérateurs sur les marchés financiers comme l’un des pires mois de décembre de l’histoire des indices boursiers. Malgré une reprise spectaculaire (surtout à Wall Street) sans volume, au cours des trois dernières séances, ce mois écoulé a vu une chute de plus de 7% de l’indice CAC 40 et de plus de 10% du Dow Jones. L’indice américain a perdu plus de 15% par rapport à son plus haut de début octobre. Ce dernier trimestre a été marqué par un réel retournement de tendance sur l’ensemble des places financières mondiales.
Que nous disent les marchés au dernier trimestre 2018 ? Devons-nous prendre en compte cette inquiétude et pouvons-nous considérer que ce message du monde de la finance est une anticipation de la dégradation du paysage économique mondial ?
2018 a été marquée par une scission entre le Etats-Unis et les autres économies. Alors que le ralentissement affectait les grandes économies de la planète, les Etats-Unis continuaient d’afficher une très solide croissance. Malgré la bonne santé de l’économie américaine, la croissance mondiale n’atteindra pas les 4%, niveau initialement prévu par les conjoncturistes.
Cette phase de croissance continue aux Etats-Unis est l’une des plus longues de l’histoire de ce pays. Parallèlement pendant près de dix ans, les marchés financiers ont connu une phase de prospérité, stimulés en cela par les politiques monétaires très accommodantes des banques centrales. Elles ont très fortement contribué à l’inflation d’actifs de placement (financiers et immobiliers). En 2018, la croissance atteint un pic aux Etats-Unis (4,2% au 2èmetrimestre et 3,5% au 3èmetrimestre) et le chômage est au plus bas historique à 3,7% de la population active.
L’envers du décor est plus inquiétant. La bonne performance de l’économie américaine résulte en partie des baisses massives d’impôts mises en place par l’administration Trump. La structure de cette économie reste toujours fragile. Les investissements industriels n’ont connu qu’un faible rebond et la productivité américaine est faible comparée à celle d’autres grandes économies. Ainsi, les Etats-Unis se trouvent être dépendants des capitaux et biens extérieurs. Depuis plusieurs semaines les observateurs constatent que certains indicateurs virent à l’orange. L’indice PMI de décembre est au plus bas depuis 18 mois, le rythme des nouvelles commandes a rejoint son niveau d’il y a un an et les créations d’emplois fléchissent.
L’effet Trump s’essouffle.
Dans ce contexte, le changement d’orientation des politiques monétaires des banques centrales, et plus particulièrement celle de la FED depuis plus d’un an ne peut qu’inquiéter un peu plus les marchés. La fin du soutien des banques centrales se concrétise au moment où l’on redoute un ralentissement économique.
Les marchés boursiers ont mal perçu la dernière hausse des taux de la FED, le 19 décembre alors que dans un même temps, elle confirmait prévoir un ralentissement et modifiait ses anticipations de croissance de 2,5% à 2,3%. La BCE a également rappelé au cours de sa dernière réunion sa volonté de normaliser sa politique monétaire et ce malgré les signes de faiblesse que montrent les économies des grands pays européens comme l’Allemagne.
Ce que les marchés nous envoient comme message, c’est qu’au-delà d’une croissance apparente toujours vigoureuse dans certaines régions du globe (USA, Chine) les sources d’inquiétude ne manquent pas. Les injections de liquidité qui ont pu doper la croissance ont également créé des bulles qui commencent à se fissurer (baisse de l’immobilier dans certains pays, baisse de certains segments des marchés financiers, effondrement des crypto-monnaies, etc…).
Il existe également un risque d’autoréalisation de la crise. Les comportements des intervenants sur les marchés peuvent conduire à une spirale négative qui plongerait l’économie mondiale dans la récession. Les sources de contagion sont multiples, nous avons cité l’éclatement de certaines bulles qui pourraient avoir des effets dévastateurs sur un système bancaire très fragile, particulièrement en Europe. L’économie réelle aurait du mal à se remettre d’une nouvelle crise financière d’autant qu’elle est aujourd’hui très dépendante des marchés.
Un autre facteur inquiète les marchés : La Chine.
Celle-ci connait des difficultés qui l’empêcherait d’agir comme elle l’avait fait en 2008.Les dernières statistiques économiques montrent là encore des signes d’essoufflement. La Chine ne sera pas une nouvelle fois la roue de secours de l’économie mondiale.
Enfin, le sujet le plus préoccupant selon bon nombre d’observateurs est celui de la dette. La création de richesse a été financée à crédit. Le faible niveau des taux d’intérêts voulu par les banques centrales a accentué la financiarisation de l’économie. Tous les acteurs sont endettés : Etats, entreprises et particuliers. Dans le contexte d’une hausse des taux, le coût de la dette risque de devenir un obstacle majeur à la poursuite de la croissance.
Nous n’évoquerons pas ici les risques géopolitiques comme le Brexit, la guerre commerciale, la montée des populismes ou l’instabilité au Moyen Orient, qui sont des facteurs exogènes. Ils génèrent une inquiétude légitime mais leur concrétisation n’est pas certaine.
Ignorer les avertissements lancés par les marchés est une attitude dangereuse d’autant que leur puissance a augmenté au cours des dix dernières années. L’automatisation des marchés et le trading à haute fréquence accentuent les tendances en créant des spirales particulièrement risquées dans des phases de baisse.
On peut avoir la tentation de considérer que les marchés surestiment les risques mais dans le passé on a pu constater que les opérateurs boursiers se trompaient rarement et que la prudence est de mise lorsque les tendances s’inversent comme on peut le voir depuis quelques mois.
Il a rarement été aussi opportun d’avoir recours à une gestion professionnelle de l’ensemble des actifs. La volatilité attendue au cours des douze prochains mois, créera probablement des opportunités d’investissement à long terme.