La guerre de l’acier aura-t-elle lieu ?
En ce début d’été, il n’y a pas que le climat qui est électrique. Les relations internationales s’échauffent elles aussi. Comme depuis plus d’un an, le Président américain Donald Trump est à la manœuvre, son slogan ravit encore son électorat d’autant que les promesses de campagne sont suivies de faits.
Le G7 qui s’est achevé le samedi 2 juin a vu se constituer un bloc unanime contre la politique commerciale agressive des américains. Pour quelles raisons se retrouve-ton dans cette situation actuellement ? Quelles seront les conséquences de cette crise commerciale sur les relations internationales mais aussi sur l’économie mondiale et sur les marchés financiers ?
Au moment où l’économie mondiale affiche un taux de croissance de 3,9% jamais enregistré depuis la crise financière de 2008, les conséquences positives pour l’Europe, le Canada et le japon sont effacées par le spectre d’une guerre commerciale inattendue, déclenchée par l’administration Trump. Le Président américain a décidé d’augmenter lourdement les taxes douanières sur l’acier et l’aluminium. En taxant ainsi les importations des pays alliés des Etats-Unis, Trump entend poursuivre sa politique « America First » mise en place depuis son élection au mépris des règles du commerce international.
Comment les Etats-Unis en sont arrivés là ? Il est bon de noter que le déficit américain incluant les services s’élève à 560 milliards de dollars en 2017. Cette situation pousse le président américain à durcir ses positions, surtout dans la perspective des élections de mi-mandat en novembre au risque de fragiliser la dynamique du libre-échange dans le cadre de l’OMC. La menace de Trump d’instaurer de nouvelles taxes sur l’automobile est prise très au sérieux par ses partenaires européens et plus particulièrement par l’Allemagne.
L’Union Européenne et le Canada ont saisi l’OMC, et le Mexique a dès à présent instauré de nouvelles taxes sur les produits américains. Les discussions avec la Chine sont en cours après un statu quo qui n’a tenu que quelques semaines. Le gouvernement américain devrait annoncer le 15 juin la liste des marchandises dont les droits de douane se monteront à 25%. Cette mesure si elle est appliquée conduirait à des représailles chinoises en contradiction avec l’accord de mi-mai conclu entre les deux pays.
Au-delà de simples postures ou de déclarations tonitruantes dans le style du Président américain, la question du fonctionnement actuel de l’OMC est un point crucial d’affrontement entre l’Amérique et le reste du monde. L’OMC doit désormais préserver la propriété intellectuelle, les droits sociaux et le climat tout en tenant compte de profonds changements particulièrement technologiques. Ces tractations, menaces et représailles ont comme conséquence de fragiliser la croissance mondiale. Le risque à court terme pèse sur l’économie américaine. La consommation et les exportations américaines pourraient être affectées par cette bataille. Toute hausse de taxes pénalise les secteurs consommateurs d’acier ou d’aluminium et au bout de la chaîne, le consommateur subit des hausses de tarifs qui diminuent son pouvoir d’achat.
Dans l’hypothèse où les entreprises ne peuvent reporter ce coût supplémentaire des matières premières dans leurs prix de vente, il y a un impact sur leurs profits et potentiellement sur l’emploi et les investissements d’où des anticipations de ralentissement de la croissance. La croissance économique mondiale est alimentée par les échanges commerciaux. Toute mesure à caractère protectionniste menace l’embellie planétaire qui au demeurant atteindra prochainement la fin d’un cycle.
De nombreux secteurs économiques pourraient pâtir de ces restrictions commerciales : l’agriculture, l’automobile, etc… Les raisons de politique intérieure qui poussent Donald Trump à durcir ses positions pourraient avoir de lourdes conséquences à long terme et précipiter l’Amérique dans une vraie crise économique qui entrainerait avec elle l’ensemble des économies mondiales.
Dans cet environnement chahuté, qu’en est-il des marchés financiers ? On le sait les marchés détestent l’incertitude et sanctionnent généralement les politiques protectionnistes synonymes de frein à la croissance. Pour autant, les marchés se sont repris au mois de mai pourtant généralement considéré comme un mois de retournement.
Est-ce à dire que les risques pourraient désormais se concrétiser ? A très court terme les marchés actions profitent entre autres de la réforme fiscale américaine qui favorise les rachats d’actions, les versements de dividendes et permet de soutenir le marché actions américain et par contagion les autres marchés. Toutefois d’autres inquiétudes perturbent aujourd’hui l’optimisme des intervenants. On peut ainsi citer : le prix du baril de pétrole, l’affaiblissement de l’euro, la remontée des taux d’intérêts américains, la fin des politiques monétaires accommodantes et bien sûr la montée du populisme en Europe et les premières mesures que pourrait prendre le nouveau gouvernement italien. Les marchés pourraient ainsi vite renouer avec une forte volatilité. Les actifs risqués pourraient connaître un cycle moins favorable d’autant que les valorisations actuelles sont assez tendues et que toute inflexion de la conjoncture économique mondiale pourrait amplifier un mouvement de repli.
Nous sommes aujourd’hui dans une phase de transition et de fragilité des équilibres économiques et géopolitiques. Certaines phases de sur-réaction peuvent cependant créer des opportunités dont il faudra profiter. Les politiques excessives feront tôt ou tard l’objet de négociations dans le cadre d’une mondialisation dont le mouvement sera difficile à inverser.