2019 : un virage économique difficile à négocier

2018 s’est achevée par un retour à la réalité pour divers actifs financiers. Des bulles qui avaient beaucoup gonflé au cours des derniers mois ont fini par éclater (monnaies virtuelles, dettes émergentes…). Le comportement irrationnel des acteurs de marchés a reculé en fin d’année ; le retour à la réalité étant en partie la résultante de la prise de conscience que la surabondance de liquidités était révolue.

Parallèlement, l’économie mondiale connait un ralentissement synchronisé. De plus en plus d’indicateurs tendent à prouver que les Etats-Unis, l’Europe et la Chine connaissent simultanément un frein de leur rythme de croissance. Les économistes s’accordent pour reconnaitre ce ralentissement cyclique global qui se traduit par un indice PMI (mesuré par JP Morgan) qui fléchit de 0,5 point en décembre à 51,5. La croissance mondiale pourrait s’inscrire en retrait marqué en 2019, avec probablement une progression du PIB inférieure à 3%.

L’analyse de l’économie américaine montre que les mesures de relance budgétaire mises en place par l’administration Trump ont donné une impulsion positive. L’excellente performance de cette économie en 2018 repose cependant principalement sur une forte demande intérieure alors que l’investissement n’enregistre qu’une modeste progression. De ce fait on ne constate pas d’amélioration de la croissance potentielle.

La plupart des indicateurs montrent déjà en ce début d’année des signes de faiblesse. L’indice ISM manufacturier de décembre a chuté de 59,3 à 54,1 et celui des services a également perdu 3 points.

L’attitude de la FED est pour le moins surprenante. Certes elle surveille l’évolution de l’activité mais par ailleurs elle doit également surveiller le niveau de l’inflation. Les statistiques spectaculaires de création d’emplois (100 mois consécutifs de créations) et le niveau de plein emploi (3,7% de chômage) qui se maintient, ont entrainé une tension sur les salaires qui aurait pu inquiéter les autorités monétaires. Or, Monsieur Powell a évoqué la possibilité de faire preuve de flexibilité et a souligné les difficultés auxquelles la FED devra faire face cette année :
– Un ralentissement mondial
– Un effet retardé des hausses de taux de 2018
– La dilution des impacts des mesures fiscales et budgétaires
– Le niveau de dettes alarmant

Les tensions commerciales avec la Chine contribuent également à créer l’incertitude sur les projections de croissance aux Etats-Unis.

La Chine est fragilisée. La dynamique de son économie s’essouffle. L’indice PMI Markit- Caixin est passé sous le niveau de 50 (49,7) montrant ainsi que l’activité manufacturière est en zone rouge. Les pressions américaines sur le commerce constituent un réel danger. Les marges de manœuvre des pouvoirs publics sont aujourd’hui limitées.

On a déjà constaté un certain nombre de mesures visant à soutenir l’activité parmi lesquelles la baisse des taux de réserves obligatoires des banques. Le problème majeur de la Chine aujourd’hui est le niveau d’endettement considérable de ce pays (270 % du PIB). Le désendettement est devenu une priorité du parti.

La gestion de la décélération de la croissance reste un enjeu de taille pour le gouvernement chinois qui pourrait devoir faire face à une augmentation trop importante du chômage et à des tensions sociales accrues. La réduction de la demande intérieure serait contraire à la volonté des dirigeants chinois de rééquilibrer la croissance vers une réduction de la dépendance économique aux exportations et vers une dynamisation de la demande intérieure de la part des consommateurs.

La Chine n’a aucun intérêt à une guerre commerciale durable et de grande ampleur avec les Etats-Unis et 2019 devrait marquer une détente sur ce terrain même si les affrontements technologiques devraient, eux, perdurer.

L’Union Européenne entre dans une phase délicate de son histoire. Le Brexit constitue un échec cuisant pour la construction européenne mais d’autres phénomènes alarmants se mettent en place (populisme, nationalisme, …). Les élections européennes du mois de mai risquent d’être l’occasion de concentrer le mécontentement des électeurs et représentent un réel danger pour les gouvernements en place et l’avancée de l’Union Européenne.

La situation économique plutôt dynamique depuis début 2017, montre également des signes de faiblesse. Notre moteur économique, l’Allemagne, montre un réel essoufflement. L’indice PMI manufacturier a décru régulièrement en 2018, passant de 63,3 en début d’année à 51,5 en fin d’année. Le secteur automobile, en difficulté depuis quelques mois, entraine l’industrie manufacturière dans une spirale baissière.

L’Allemagne connaît aujourd’hui une crise structurelle. Sa population vieillit et la population active diminue. Le premier frein à la croissance est le manque de personnel qualifié. Le nombre d’emplois non pourvus est supérieur à 1 million. La banque publique d’investissement KFW tire la sonnette d’alarme et réclame un dispositif plus favorable à l’intégration des travailleurs immigrés.

Le pays souffre également d’infrastructures vieillissantes et loin des standards à la hauteur de son ambition industrielle. Le tournant du digital a également été négocié tardivement par l’industrie allemande qui a pris ainsi un réel retard et perd en compétitivité. Dans un même temps, l’Etat fédéral enregistre plus de 10 Mds€ d’excédent budgétaire en 2018 et prend la décision symbolique de réévaluer les retraites… Pour l’Europe une Allemagne en panne est synonyme d’une perte de leadership qui la déstabiliserait sur le plan international.

On constate à quel point l’affaiblissement de l’Allemagne est problématique pour la zone Euro. Dans ce contexte la marge de manœuvre de la BCE s’avère particulièrement limitée, elle devrait donc maintenir une politique monétaire relativement accommodante afin de ménager un secteur bancaire encore fragile et ce particulièrement en Allemagne…

Les marchés sont dans l’attente de signaux clairs à la fois sur l’évolution de la conjoncture économique, les réponses données par les banques centrales et également sur l’inflexion des résultats des entreprises. Les marges des entreprises pourraient être affectées par une inflation salariale résultant comme aux Etats-Unis de la situation de plein emploi et par la guerre commerciale qui pèse sur le commerce mondial.

Cette baisse de croissance des bénéfices aura comme impact de faire remonter la valorisation des marchés alors qu’elle était revenue sur un niveau plus raisonnable suite à la baisse de fin d’année. Même si à moyen terme les marchés offrent certaines opportunités d’investissement, la sélectivité reste de mise dans un contexte de survalorisation générale des actifs financiers résultant de l’abondance des liquidités injectées par les banques centrales.