L’Union Européenne : le mythe d’une grande puissance
Le ralentissement de l’économie européenne se confirme. Première puissance économique du monde entre 2005 et 2014, l’UE représentait cette année-là 23,64 % du PIB mondial contre 22,37 % pour les États-Unis. Depuis 2015, elle occupe le deuxième rang, derrière les États-Unis, avec 22 % du PIB mondial et talonnée par la Chine.
Depuis plusieurs années on anticipe un « soft landing » de l’Europe, à l’image de ce que le Japon a vécu dans les années 90. A ce moment-là, le Japon est entré dans une longue période de croissance nulle et de déflation, sa dette publique ne cessant de gonfler. Cette thèse de la « japonisation de l’Europe » a été partagée par de nombreux économistes après la crise de 2008, quand la sortie de cette crise a été particulièrement lente comparée aux Etats-Unis.
Cette analyse est de nouveau mise en avant alors que le moteur de la croissance européenne semble à nouveau en panne. Au moment où l’industrie chinoise et l’industrie américaine se redressent, les unités de production européennes ralentissent les cadences, selon l’indice PMI des directeurs d’achat. Et c’est l’Allemagne, le champion industriel de l’Europe qui en souffre le plus.
Avec seulement 7 % de la population du globe, l’Union Européenne a longtemps été la première puissance commerciale devant la Chine et les États-Unis.
Il y a cependant des indicateurs conjoncturels qui rappellent furieusement la stagnation nippone. La croissance est très faible ; elle ne dépassera pas les 1% cette année en Europe. En Italie, elle sera nulle a reconnu hier le ministre de l’Économie et en Allemagne elle pourrait n’atteindre que la moitié de la croissance française. L’inflation de la zone euro demeure insuffisante, loin de la cible des 2%. Et comme dans le Japon de Shinzo Abe, la banque centrale européenne a opté pour une politique très accommodante.
Si on prend en compte des données basiques, il semble qu’il soit pertinent d’effectuer un parallèle entre le Japon et l’Union Européenne. Dans les années 90 la population japonaise était âgée. La population européenne est âgée. Le Japon avait des taux d’intérêt très bas comme ceux de l’UE aujourd’hui. Les entreprises japonaises faisaient appel au financement bancaire comme le font aujourd’hui les entreprises européennes.
La faiblesse des taux d’intérêt est particulièrement marquante. A ce jour, la dette allemande a renoué avec des taux négatifs.
Ce taux négatif à dix ans signifie qu’on ne s’attend pas à une reprise de la croissance dans les dix prochaines années. Encore un signal pessimiste qui rappelle la situation japonaise.
L’Europe a aussi ses propres difficultés internes à surmonter : le Brexit qui s’éternise et fait planer la menace d’une récession sur l’Allemagne ; la mue de l’industrie automobile, affectée par la baisse du marché européen, et le passage à l’électrique.
L’Allemagne, locomotive de la zone euro, a abaissé ses prévisions de croissance pour 2019, de quoi alimenter les critiques de partenaires qui voudraient un plan de relance.
Berlin table désormais sur un Produit intérieur brut en augmentation de 0,5 % cette année, loin des 1,0 % encore attendus pour 2019 en janvier.
Malgré une solide demande intérieure qui porte désormais la croissance, l’Allemagne ne peut attendre aucun rebond vigoureux, notamment parce que la sécheresse de 2018 et l’entrée en vigueur de nouvelles normes européennes antipollution ont respectivement frappé les secteurs de la chimie et de l’automobile.
La main d’œuvre allemande est vieillissante et le pays affiche un sous-investissement chronique dans les infrastructures ou l’innovation qui creuse son retard technologique et menace son attractivité.
Alors que les capacités de production des entreprises sont utilisées à leur maximum, certaines faiblesses structurelles du pays commencent à peser lourdement ; la machine allemande atteint ses limites.
Dans un pays où le chômage est à son niveau le plus faible depuis la réunification, le nombre d’offres d’emploi non pourvues a franchi fin 2018 un nouveau record, à 1,24 million. La conséquence est que les entreprises peinent à recruter, augmentent les salaires et ne peuvent plus améliorer leur production.
Après des années de discussions, un projet de loi sur l’immigration, réclamé par le patronat, a enfin été présenté par le gouvernement en décembre 2018. L’objectif est de faciliter l’arrivée de travailleurs venant de pays extérieurs à l’Union européenne, mais aussi l’intégration des réfugiés. La banque publique d’investissement KfW redoute un manque général de main-d’œuvre à partir de 2025, quand la génération du babyboom arrivera à la retraite.
L’Allemagne souffre aussi de la faiblesse de ses infrastructures. Les problèmes de livraison liés à la faiblesse du niveau du Rhin ont rappelé combien les infrastructures de transport alternatives aux voies fluviales – le train et surtout la route – souffrent de décennies de sous-investissement.
Le Fonds monétaire international (FMI), qui s’inquiète du coup de froid allemand et du risque de contagion au reste de la zone euro, presse de plus en plus explicitement Berlin d’initier un plan de relance, dont l’Allemagne, en excédent budgétaire record, a les moyens. Le gouvernement allemand ne semble toutefois pas vouloir prendre des mesures dans ce sens.
Les entreprises allemandes observent, en effet, depuis plusieurs mois avec inquiétude les réformes fiscales enclenchées par les pays concurrents – les Etats-Unis, bien sûr, mais aussi la France – qui ont sensiblement allégé la fiscalité des entreprises. Un débat sur des baisses d’impôts a été lancé afin de répondre aux inquiétudes des industriels.
L’Europe est dépendante de la bonne santé de l’économie allemande et celle-ci n’est pas à son meilleur niveau. Les élections à venir risquent d’entériner la poussée nationaliste eurosceptique très défavorable à des actions coordonnées en matière de politique budgétaire et fiscale sans lesquelles l’Union Européenne est particulièrement fragilisée. Cette tendance se concrétise dans de nombreux pays, ce qui fait craindre un blocage des institutions européennes par des parts anti-européens sur-représentés, ce qui aurait un effet néfaste sur une économie déjà en quête d’un nouveau souffle.