Guerre commerciale ou guerre des modèles économiques ?

Depuis quelques jours, on assiste à une escalade dans le conflit commercial qui oppose la Chine aux Etats-Unis. Le Président Trump a en effet annoncé son intention de taxer 200 milliards de dollars d’importations supplémentaires en provenance de Chine de 10%. L’objectif affiché est de rééquilibrer les échanges commerciaux entre les deux pays en déficit d’environ 350 Mds de $ (+/- 500 Md$ d’exportations chinoises contre 150 Md$ d’exportations américaines).

Cette guerre est désormais plus globale. Elle oppose d’une part la Chine et les Etats-Unis mais également les Etats-Unis et l’Europe, et l’Europe et la Chine. La simple analyse qui consiste à faire valoir que la Chine est fautive parce qu’elle dévalue abusivement sa monnaie pour stimuler ses exportations et par corolaire son économie est une vision un peu réductrice du phénomène.

Le modèle chinois est de moins en moins tourné vers l’exportation. Ce pan de l’économie ne représente plus que 18% du PIB chinois contre 35% en 2007. Il ne s’agit plus du moteur de la croissance. Le mythe selon lequel la Chine serait le pays le plus dépendant de ses exportations s’effondre face aux chiffres. L’Allemagne est l’économie qui puise le plus sa croissance dans les exportations (42% du PIB). Les Etats-Unis apparaissent comme le pays le moins dépendant des exportations de biens qui représentent moins de 14% du PIB.

Les Etats-Unis comprennent mal leur déficit commercial ; leurs entreprises phares, les GAFAM, sont totalement mondialisées et le pays bénéficie d’une avance technologique dans la nouvelle économie. Ce déficit commercial est en fait le résultat d’une consommation soutenue et d’un excès d’endettement public et privé. Les Etats-Unis sont une économie tournée vers la consommation et la dette. De ce fait, elle a besoin de financement en provenance de pays qui ont des excédents, ce qui est le cas de la Chine et d’autres pays émergents. Aujourd’hui, la Chine et d’autres économies participent au financement de l’endettement des ménages américains.

La Chine est à ce jour l’un des premiers détenteurs de « bonds » émis par le Trésor américain (l’autre grand pays détenteur étant le Japon). Une guerre commerciale de grande ampleur avec la Chine pourrait avoir des conséquences comme la réduction des achats d’obligations américaines. Cependant, le risque d’un krach obligataire américain résultant de ventes massives par la Banque centrale chinoise semble peu crédible. La dette américaine reste mondialement une valeur refuge jamais égalée par l’euro.

La Chine peut chercher à diversifier ses investissements mais cela se fera à la marge. Dans un monde où le système financier est organisé autour du dollar américain l’ensemble de la communauté internationale et la chine en particulier ne peuvent tourner le dos aux actifs américains.

Donald Trump, qui, pour des raisons de politique intérieure joue la carte de l’intransigeance face à l’Europe et à la Chine, va avoir besoin de stabilité du système financier pour financer sa politique fiscale. Les besoins des Etats-Unis pourraient approcher 1000 milliards. La Chine qui détient déjà à elle seule un stock de 1000Md$ de dettes américaines , est stratégique pour la première puissance mondiale.

On note que depuis quelques mois, la Banque centrale chinoise a été vendeuse nette de titres pour des montants certes modestes (+/- 5 Mds par mois) mais le signal donné marque clairement une rupture. Un arrêt brutal du financement américain par la Chine, aurait des conséquences négatives pour elle-même.

Les relations commerciales entre la Chine et les Etats-Unis sont condamnées à s’améliorer et il y a fort à parier qu’après les élections de mi-mandat en novembre aux Etats-Unis, Trump va devoir réviser sa copie et reprendre des négociations plus ouvertes avec les chinois.

On peut s’interroger sur les conséquences d’un tel retournement sur les négociations avec l’Europe. L’UE pourrait bien être le dindon de la farce. L’Allemagne est très dépendante de la conjoncture mondiale et de son accès aux marchés mondiaux. La dynamique de croissance du moteur européen tourne au ralenti depuis le début de l’année. L’IFO (Institut économique allemand) a baissé ses perspectives de croissance pour 2018 de 2,6% à 1,8%. L’Allemagne risque d’être une des principales victimes de la guerre commerciale avec les USA. L’automobile pourrait être un des secteurs les plus touchés si les négociations s’enlisent. En outre les problèmes de politique intérieure résultant en partie de la crise des migrants pourraient pousser le gouvernement d’outre Rhin à un replis sur soi qui serait néfaste à toute l’Europe.

Les marchés redoutent une radicalisation des positions qui aurait un impact très négatif sur les échanges mondiaux et la croissance. Les entreprises pourraient être les victimes des politiques protectionnistes. Les marges sont sur une tendance baissière et le momentum de révision des résultats est désormais baissier, ce qui justifie le replis actuel des marchés.