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Après six semaines de confinement, la France comme ses voisins européens subissent de plein fouet une crise économique inédite. C’est du jamais vu depuis 1949 : la chute d’activité causée par le Covid-19 a entraîné un repli du PIB français de 5,8% au premier trimestre, selon l’Insee. La BCE s’attend à un repli du PIB jusqu’à 12% sur l’ensemble de l’année, en zone euro. La chute est plus forte que lors de la crise de 2008.

Aujourd’hui, l’enjeu principal du déconfinement, après l’enjeu sanitaire, réside dans la capacité de reprise de notre économie. Les indicateurs alarmistes sur la profondeur de la crise économique à venir se multiplient. Mais certains économistes misent sur un effet de rattrapage. A court terme cependant se dessinent une vague colossale de faillites d’entreprises avec un risque d’explosion du chômage et de la pauvreté. Face à cela, les pouvoirs publics réagissent avec des plans massifs d’aides aux entreprises via des garanties de prêts, des reports de taxe ou encore des primes. Toutefois, les politiques économiques mises en œuvre, comme le chômage partiel ou les aides aux entreprises, limitent fortement les dégâts mais ne peuvent pas empêcher la détérioration de la situation de toutes les entreprises.

Cette crise économique du coronavirus n’est pas qu’un choc de demande comme la crise des subprimes, c’est aussi, un massif choc d’offre. Mais cette crise ne peut pas être comparée aux autres. Elle ne résulte pas d’un effondrement du système financier ni d’une dégradation des indicateurs économiques. La baisse d’activité actuelle a été planifiée et organisée par les Etats dans le seul but de ralentir une pandémie. Ce choc se distingue par sa soudaineté et par son ampleur, qui découlent directement de sa nature très singulière : la mise à l’arrêt « volontaire » d’une large partie de l’économie.

Les pays sont entrés dans le confinement avec l’idée que cette mesure radicale serait temporaire, or ce n’est pas le cas pour tous les secteurs d’activité. Certains ne pourront que constater un arrêt plus long et un retour très lent à leur rythme d’activité antérieur. Le retour à la normale s’avère compliqué et coûteux pour les entreprises qui doivent garantir la santé de leurs salariés tout en essayant d’optimiser leur rentabilité

L’économie va donc repartir progressivement mais beaucoup de mal a déjà été fait. Le chômage est bien sûr l’un des indicateurs : une augmentation brutale en mars pour atteindre, en quelques jours, des niveaux qu’on n’avait pas connus depuis 3 ans. Pendant la période de confinement, la perte de revenu national aura été considérable: la majorité sera absorbée par la hausse du déficit public, mais une part non négligeable restera au compte des entreprises. Les ménages seront également affectés, même si leur taux d’épargne devrait grimper ponctuellement du fait de la baisse de la consommation pendant le confinement. Le comportement des ménages après le déconfinement sera observé de très près et conditionnera en partie la reprise.

La forte augmentation du chômage risque d’enrayer la consommation en effet, les ménages pourraient perdre 11 milliards d’euros de revenu disponible.

Les entreprises commencent à faire état de leurs pertes à venir. A l’exception de l’agroalimentaire, de la santé ou encore des télécommunications et certains autre secteurs peu affectés par la crise sanitaire, de nombreuses sociétés vont dans les prochaines semaines communiquer sur leur baisse d’activité et sur les pertes qu’elles vont enregistrer au premier semestre.

Mais si la croissance économique s’est effondrée, avec une perspective lente de reprise, pourquoi les marchés actions mondiaux ont-ils rebondi?

Les liquidités dont les banques centrales inondent actuellement le marché constituent la meilleure réponse à cette question. Ce raisonnement laisse de côté les entreprises qui ne rebondiront pas, et le chômage conjoncturel qui risque de devenir structurel

Ce qui semble acquis pour les marchés c’est que les taux ne remonteront pas rapidement, que les rendements dits sans risque ne rapporteront rien pendant longtemps. Dans cet environnement, une fois passée la vague des multiples avertissements des entreprises sur leurs résultats à venir et après avoir établi une meilleure évaluation du risque, les investisseurs privés comme professionnels vont retrouver durablement le chemin des marchés et de tous actifs pouvant leur offrir du rendement.

A court terme, les nuages s’accumulent sur les marchés. Le serpent de mer de la guerre commerciale entre les Etats Unis et la Chine resurgit avec Donald Trump à la manœuvre. Le Président américain en difficulté face à Joe Biden se doit de trouver un bouc émissaire et la Chine fait de nouveau l’objet de critiques de la part de la Maison Blanche. Dans un contexte où les USA doivent émettre plus de 3000Mds$ d’obligations très rapidement on peut légitimement s’interroger sur l’impact qu’aurait sur ce refinancement le refus de la Chine d’y participer.

La montée du protectionnisme est un autre risque qui plane sur les marchés, fortement augmenté par la crise sanitaire et son questionnement sur le modèle des échanges mondiaux.

Dans l’hypothèse où les marchés financiers retrouvent des niveaux plus bas au cours des prochaines semaines, il sera alors intéressant de reprendre des positions à long terme pour accompagner une reprise plus durable.

Achevée de rédiger le 5 mai 2020