La fin du rêve américain ?
À cause de la crise sanitaire, les États-Unis entrent dans une récession économique historique en 2020 après dix ans de croissance ininterrompue. Le PIB américain a chuté de 4,8 % au premier trimestre et enregistre une contraction record de 32,9% au deuxième trimestre renforçant les craintes des investisseurs pour la première économie du monde.
La contraction annoncée, de 32,9% en rythme annualisé, est la plus importante enregistrée depuis 1947, année lors de laquelle cette statistique a été introduite par le gouvernement.
Le repli du PIB au T2 est plus de trois fois supérieur au précédent record enregistré, une contraction de 10% au T2 1958.
La Réserve fédérale des Etats-Unis a réaffirmé son engagement à maintenir un soutien exceptionnel à l’économie américaine, disant s’attendre à une contraction du produit intérieur brut de près de 10% cette année et à un taux de chômage de +/- 9% en fin d’année.
Les États-Unis ont connu une croissance de 2,3 % en 2019 et le président Donald Trump, qui avait fait de la bonne santé de son économie un argument dans sa course à la réélection, visait 3 % par an.
Les implications pour l’emploi sont dès à présent très lourdes, de l’ordre de 20 millions de postes détruits depuis le début de la crise.
La Réserve fédérale de New York a créé un nouvel indice, le Weekly Economic Index, qui permet d’avoir une vision en temps réel de l’évolution de l’économie, grâce à des données sur les dépenses de cartes bancaires ou la consommation d’électricité. Cet indice montre que la trajectoire économique des États-Unis reste très négative, en baisse actuellement de 10,08 % par rapport à l’an dernier.
L’économie américaine a été touchée en deux temps : d’abord par un choc d’offre, avec l’arrêt des approvisionnements venant de Chine, soit un cinquième des importations américaines, et la mise à l’arrêt du secteur des services et dans un deuxième temps par un choc de demande, alors que plusieurs millions de salariés ont cessé de consommer.
« La crise sanitaire en cours va peser lourdement sur l’activité économique, l’emploi et l’inflation à court terme et crée des risques considérables pour les perspectives économiques à moyen terme », explique la Fed dans son communiqué de politique monétaire.
Un des problèmes majeurs réside dans l’absence de stratégie concertée pour lutter contre la pandémie. L’état de New York, parmi les premiers et les plus durement touchés, dénombre plus de 32.000 décès. Ailleurs sur le territoire, la pandémie progresse et son épicentre se déplace. Actuellement quarante Etats sur cinquante enregistrent des hausses de contamination.
En Californie alors que le déconfinement était bien engagé mi-juin, le gouverneur a fait marche arrière et refermé beaucoup de lieux publics et annoncé que les établissements scolaires ne pourraient probablement pas rouvrir à la date prévue. L’ensemble des mesures de distanciation s’appliquent aux Etats-Unis selon la bonne volonté des populations qui sont dans le flou le plus total avec des divergences notables affichées.
Pour la première fois depuis fin mars, la flambée des contaminations aux États-Unis a fait grimper le chômage. Selon des chiffres dévoilés par le Bureau du Travail américain, un peu plus de 1,4 million de demandes ont été déposées entre le 12 et le 18 juillet, contre 1,307 million la semaine précédente.
Pour les chômeurs, l’arrivée du mois d’août marque la fin d’une aide cruciale de 600 dollars par semaine, mise en place depuis avril, dans le cadre du plan de relance américain. Le Congrès tente désormais de trouver un terrain d’entente pour prolonger cette aide qui a permis à des millions de foyers de ne pas tomber dans la pauvreté.
L’arrêt de cette mesure risque en effet d’engendrer une baisse de 30 à 50 % des revenus de millions de chômeurs.
Le risque économique s’accroît avec un plus fort recul de la consommation (+/- 70% du PIB) et une forte augmentation du taux de faillites de petites et moyennes entreprises dans de nombreux secteurs.
Pour l’ensemble du deuxième trimestre, le niveau total de la consommation est en baisse de 8,1 % par rapport au deuxième trimestre 2019.
Aux Etats-Unis, la pandémie a jeté instantanément dans la précarité des millions de gens. Elle va aussi creuser davantage les inégalités sociales en frappant en premier lieu les ménages à faibles revenus et les classes moyennes.
Les pertes d’emplois, soudaines, sont concentrées dans les secteurs de services à faibles revenus dans un pays où il y a peu de filets de sécurité sociale et un taux d’épargne extrêmement faible, de l’ordre de 8% en moyenne et 78% des personnes ayant les plus faibles revenus ne disposant pas d’épargne d’urgence pour parer aux difficultés financières imprévues.
A noter également que le système d’assurance maladie montre toutes ses limites, avec une part de plus de 9% des américains qui se trouvent dans l’impossibilité de se faire soigner ou qui ne peuvent prendre de congés maladie, augmentant ainsi la propagation du virus.
Dans ce contexte particulièrement tendu, Donald Trump relance la guerre froide avec la Chine. Les différends diplomatiques entre les Etats-Unis et la Chine sont un motif d’inquiétude.
Pékin a annoncé avoir pris le contrôle des locaux du consulat américain de Chengdu, dans le sud-ouest chinois, après avoir ordonné la fermeture de cette représentation diplomatique en représailles à la fermeture de son consulat à Houston (Texas) décidée la semaine précédente par Washington.
Tout cela s’inscrit dans le cadre d’une véritable guerre froide datant de plusieurs années entre les deux superpuissances, il y a des tensions commerciales et économiques, des tensions autour de Hong-Kong et des tensions diplomatiques autour de l’emploi du mot « virus chinois » de la part de Donald Trump pour parler de la Covid-19.
Donald Trump, en difficulté dans les sondages, entend relancer sa campagne sur le thème qui lui est cher de protection de la super puissance des Etats Unis face à la Chine.
Mais aujourd’hui les américains sont plus inquiets de l’évolution de la pandémie et de son impact sur leur situation économique que de la volonté d’hégémonie de la Chine.
À moins de 100 jours de l’élection présidentielle américaine, les sondages donnent une nette avance à Joe Biden sur Donald Trump et un renforcement de ses positions dans des Etats charnières (y compris le Texas). Depuis plusieurs semaines, Donald Trump, confronté à ces sondages très défavorables, brandit pourtant le spectre de fraudes massives et annonce dans un tweet pour la première fois l’hypothèse d’un report de l’élection, mettant en avant, sans la moindre preuve, des risques de fraude liés à l’épidémie de Covid-19. Cette menace reste très improbable, la constitution américaine ne donnant pas au Président la capacité de modifier la date des élections.
Les marchés financiers ne croient pas à ce type d’annonce et se focalisent désormais sur les résultats des entreprises et les mesures budgétaires et monétaires.
Donald Trump va devoir restaurer son image et redonner aux américains l’envie de croire que le rêve américain existe encore pour entretenir l’espoir d’un second mandat, espoir qui s’éloigne de jour en jour comme la possibilité d’une reprise économique en V.