Quand la visibilité se réduit

L’automne est propice à la formation du brouillard et cette année l’horizon économique est obstrué par une accumulation d’incertitudes. On peut citer en vrac : la crise sanitaire et l’émergence d’une deuxième vague, les élections américaines ; les tensions politiques avec le monde arabe au sens large, la reprise des attentats en Europe, l’explosion de la pauvreté dans les pays dits « riches », le Brexit, l’absence de financement du plan d’aide européen. Nous sommes tous plongés dans l’analyse et la tentative d’interprétation quotidienne des nouvelles qui se succèdent sans que nous puissions nous extraire de cette litanie.

Repris un par un, on peut constater que ces différents facteurs qui créent cette absence de visibilité à court et moyen terme ne sont pas perçus de la même façon par les populations et la sphère financière. La deuxième vague de coronavirus qui affecte actuellement l’Europe va encore peser sur la situation économique en France. Malgré des mesures plus favorables au maintien de l’activité, celle-ci pourrait être réduite d’environ 15% (deux fois moins que pendant le premier confinement). Le climat d’incertitude pèse sur la confiance des consommateurs. A l’épargne forcée (fermeture des magasins) s’ajoute une épargne de précaution pour la population qui en a les moyens. Toutes les prévisions des différentes institutions économiques (FMI, OCDE, INSEE) sont de plus en plus incertaines. Dans l’hexagone, on s’attend dès à présent à une croissance nulle au dernier trimestre voire négative. On constate déjà une baisse marquée dans le secteur des services et à l‘approche des fêtes de fin d’année, les entreprises du commerce et du tourisme risquent de subir un effondrement de leur chiffre d’affaires.

On sait également que les finances publiques vont encore être affectées par ce reconfinement partiel. Selon Eurostat, le déficit public s’est élevé à 11,6% du PIB au 2ème trimestre dans la zone euro. Ces déficits viennent gonfler la dette publique mais comme les banques centrales achètent massivement des emprunts d’Etat, le financement de cette dette ne pose aucun problème à court terme.

En France, à la fin du 2ème trimestre, la dette publique s’élevait à 114,1% du PIB et le reconfinement va aggraver cette situation. L’absence d’accord à l’échelle européenne d’un plan de relance de 750 Mds d’euros crée un réel problème pour le financement des plans de relance nationaux nécessaires à court terme. La France devrait recevoir 40 Mds € pour alimenter son plan de relance annoncé à 100 Mds €. Les discussions actuellement en cours à la Commission Européenne sont freinées par les négociations concernant un accord sur un emprunt commun de 750 Mds € qui doit être approuvé par l’ensemble des parlements nationaux.

En Europe, s’ajoutent à ces discussions, celles liées au Brexit. Les négociations ont repris depuis le 9 novembre mais les tensions demeurent importantes sur les points suivants : les garanties de non concurrence et l’accès des Européens aux eaux britanniques pour la pêche. La menace d’un no deal pèse sur l’Europe, la fin de la période de transition étant fixée au 31 décembre 2020.

Les Etats-Unis semblent sortir lentement de l’impasse électorale. La victoire de Joe Biden est assurée et pourtant le Président sortant se refuse à officialiser sa défaite et pourrait se lancer dans une bataille de procédures qui pourrait durer quelques jours voire quelques semaines. Le processus de transition se met en place avec des objectifs clairs pour le Président élu : mettre en place une réelle action anti COVID-19 et réunifier le peuple américain.

De part et d’autre de l’Atlantique, un enjeu majeur mobilise également les gouvernements : la lutte contre la pauvreté. La pandémie est à l’origine de l’augmentation du nombre de personnes en situation de précarité : 5,6% de la population de l’Union Européenne est en situation de pauvreté, et la 2ème vague risque fort d’amplifier ce phénomène. En France, un français sur trois a connu une perte de revenus liée à la pandémie.

Le chômage est un phénomène aggravant. Aux USA, 33 millions d’emplois ont été détruits et le chômage est passé de 3,5% à 14,7% en avril. L’insécurité alimentaire touche plus d’un américain sur dix. On constate avec ces statistiques que la tâche du nouveau Président et de son cabinet sera importante au vu de la dégradation des fondamentaux économiques.

Les tensions géopolitiques sont un autre facteur d’incertitude avec le regain des attentats terroristes et des vagues de protestation qui secouent le monde arabe.

La politique qui sera menée par l’administration Biden concernant les accords commerciaux avec la Chine et l’Europe n’est pas encore très explicite et les interrogations subsistent sur le devenir des taxes mises en place au cours du mandat présidentiel précédent.

Face à toutes ces incertitudes et contre toute attente les marchés financiers ont peu réagi et saluent très largement l’annonce de l’arrivée potentielle d’un vaccin contre le coronavirus. L’envolée récente s’appuie principalement sur la remontée des cours des valeurs très affectées par la pandémie. Les valeurs de croissance plus résistantes n’ont pas suivi les indices.

La revalorisation très rapide de certaines sociétés est d’autant plus surprenante que les perspectives de croissance des bénéfices sont encore très éloignées. Le marché est détaché de toutes considérations fondamentales et se focalise sur la fin de la pandémie et l’abondance des liquidités résultant des efforts budgétaires et des mesures de politique monétaire des banques centrales.

Les incertitudes et l’absence de visibilité qui caractérisent aujourd’hui notre environnement n’ont pas d’impact sur les placements et les investisseurs préfèrent voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide. Plus que jamais la sélectivité des placements de tout type doit être privilégiée.

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