« And the winner is…
Joe Biden sera donc le prochain Président des Etats Unis. Il accède aux plus hautes fonctions outre Atlantique dans un pays miné par la pandémie, les fractures sociales et la récession économique. Le magazine Time titre que 2020 est la pire année de l’histoire des Etats-Unis et même si cela peut paraître une vision très pessimiste de la situation, la tâche qui attend le 46ème Président est de grande ampleur pour redonner à cette grande puissance mondiale une place de leader qu’elle a perdue dans de nombreux domaines.
Le nouveau Président doit relancer l’économie et pour ce faire, il affiche un programme marqué par plusieurs mesures phares. Son plan pour relancer l’économie est l’un des plus progressistes et interventionnistes qui soit mais ses projets de relance les plus ambitieux ont peu de chance de passer au Sénat, pour l’instant toujours républicain.
Joe Biden a promis 700 milliards de dollars pour relancer l’économie américaine et plus particulièrement pour soutenir la production américaine. 400 milliards serviraient à l’achat par l’Etat fédéral de produits « made in USA ». Aujourd’hui, ce label nécessite que plus de la moitié des matériaux utilisés dans la fabrication soient américains. La barre pourrait être relevée par la nouvelle administration. Un autre plan de 300 milliards de dollars serait mis en place pour investir dans la R&D et les technologies du futur comme la 5G, les véhicules autonomes ou l’intelligence artificielle.
Joe Biden reprend également l’idée d’un programme d’investissement dans les infrastructures et propose 1.300 milliards de dollars sur dix ans. Ce programme comprend les routes, autoroutes et ponts en mauvais état, le développement du train, avec l’arrivée du train à grande vitesse sur les côtes est et ouest. Le Président veut aussi désenclaver certains quartiers difficiles en les intégrant au réseau de transport public, consacrer plusieurs milliards de dollars au développement du haut débit en milieu rural et investir dans les réseaux de distribution de l’eau.
Joe Biden a promis pendant sa campagne que parmi ses premières décisions il envisageait de réintégrer l’Accord de Paris sur le climat. Il s’est engagé pour une économie américaine à « zéro émissions » en 2050. Pour ce projet, il envisage un investissement de 1.700 milliards de dollars sur dix ans. Le plan doit permettre de créer dix millions d’emplois. Joe Biden souhaite aussi installer 500.000 nouvelles bornes de recharge électrique sur les routes américaines d’ici 2030.
Le nouveau Président envisage également d’autres mesures pour accélérer le développement des énergies propres.
Le programme démocrate prévoit aussi d’autres dépenses dans les secteurs de la santé et de l’éducation.
Joe Bieden veut proposer une assurance santé publique accessible à tous les américains et garantissant qu’ils ne paieront pas plus de 8,5% de leurs revenus mensuels pour bénéficier d’une couverture maladie. Il compte aussi abaisser de 65 à 60 ans l’âge minimum pour bénéficier de la couverture santé pour les seniors, ce qui concernerait 20 millions d’Américains.
Sur le plan de l’éducation, Joe Biden propose de rendre l’université gratuite pour les familles gagnant moins de 125 000 dollars par an. Cette mesure concernerait 90% des familles noires, sud-américaines et amérindiennes. Joe Biden souhaite également effacer la dette des étudiants les plus modestes, généraliser l’accès à l’école maternelle et augmenter le financement des établissements scolaires situés dans les quartiers les plus défavorables.
Toutes ces mesures visant à « reconstruire les Etats-Unis mais en mieux » ont un coût qui doit trouver un financement sans augmenter la pression fiscale sur les classes moyennes. L’une des principales promesses de campagne de Joe Biden est de développer une économie tournée vers les classes moyennes. Joe Biden défend en effet l’instauration d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure au niveau fédéral contre 7,25 dollars actuellement (puis une indexation sur le salaire horaire médian).
La fiscalité est un point majeur pour les démocrates et Joe Biden prévoit d’augmenter sélectivement les impôts des américains.
Le plan démocrate se concentre essentiellement sur les hauts revenus et les entreprises. Le nouveau Président a promis aux particuliers gagnant moins de 400.000 dollars par an (28.000 euros par mois) qu’ils ne paieront pas un dollar d’impôts de plus. Le taux maximal d’imposition pour les particuliers repasserait à 39,6 % (contre 37 % actuellement) et ceux gagnant plus d’un million de dollars seraient taxés au même niveau sur le fruit de leurs investissements que sur leurs salaires.
Biden souhaite aussi relever le taux moyen d’imposition des entreprises de 21 % à 28 % (il était de 35 % avant la réforme fiscale de Trump), mais cette mesure ne sera mise en oeuvre qu’après 2021. Pour financer son projet et « ne pas encourager » les entreprises à délocaliser, il a notamment annoncé le doublement de la taxe sur les bénéfices des sociétés réalisés à l’étranger.
Arguant du fait que la guerre commerciale avec la Chine fragilise l’économie américaine, Joe Biden compte sur la communauté internationale pour faire pression sur Pékin. Mais il est clair que le poids de la Chine dans l’économie mondiale est un enjeu de taille pour la nouvelle administration qui va prendre les rênes du pays dans quelques semaines.
Ce programme économique de grande ampleur est sujet à des compromis avec le congrès et sera scruté de près par les marchés. Les hausses d’impôts prévues pourraient inquiéter les intervenants surtout si elles conduisaient à un ralentissement de la reprise attendue après la maîtrise de la pandémie.
A ce jour, les marchés se focalisent sur les bonnes nouvelles en provenance des laboratoires pharmaceutiques et l’arrivée prochaine des vaccins et en oublient les fondamentaux et la valorisation des entreprises. Les intervenants misent tout sur l’abondance de liquidités dispensées par les banques centrales et on constate de fait une réelle déconnexion entre d’un côté l’économie et la capacité bénéficiaire des entreprises et d’un autre côté la recherche de rentabilité des placements qui passe par les marchés actions.
Malgré une remontée significative des grands indices mondiaux, les disparités sont grandes entre les grandes zones géographiques (Dow Jones au plus haut alors que le CAC 40 est encore à un niveau inférieur de plus de 7% par rapport au début de l’année) et entre les secteurs.
Au cours des prochains mois les investisseurs seront attentifs à la croissance et à la solidité financière des sociétés et orienteront leurs choix sur des valeurs de croissance qui offriront une visibilité sur le long terme.