Croissance : de quoi parle-t-on ?
Comme anticipé, les actifs risqués ont continué à surperformer ces derniers mois. La robustesse de la dynamique macro et l’engagement des banques centrales l’ont emporté sur le rebond épidémique et l’apparition de multiples variants.
Le potentiel d’appréciation des marchés actions est désormais plus faible à court terme, compte tenu des niveaux de valorisation et d’un certain nombre d’indicateurs techniques. Toutefois, la croissance attendue dans de très nombreux pays devrait constituer un support voire un accélérateur à plus ou moins long terme sur les marchés des actifs risqués. Mais de quelle croissance parle-t-on ?
Les programmes de relance économique actuellement mis en œuvre par les gouvernements pourraient favoriser une relance verte. La relance peut être génératrice de revenus, d’emplois et de croissance, et peut stimuler la mise en œuvre d’actions à moyen et long terme conformes aux objectifs environnementaux nationaux et mondiaux.
La prise en compte des questions environnementales comme le changement climatique, la pollution de l’air et de l’eau, la perte de biodiversité, la dégradation des océans et l’utilisation inefficace des ressources s’impose à l’heure où les pays cherchent à reconstruire leur économie.
L’Union européenne va distribuer 750 milliards d’euros dans le cadre d’un vaste plan de relance économique, selon les besoins de chaque pays. L’Italie devrait toucher 192 milliards, l’Espagne 69,5 milliards, la France 40 milliards, et l’Allemagne 23 milliards d’euros. Le but est notamment de relancer la transition énergétique, via par exemple des aides à la rénovation.
Pour tous les pays européens, au moins 37% de cet argent doit servir à la transition écologique, et 20% à la transition numérique.
En France, le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire a annoncé le 27 avril la répartition du budget de 40 milliards d’euros attribué par l’Union européenne, dans le cadre du plan de relance européen.
Parmi les trois grands axes du plan de relance français : la cohésion sociale et territoriale, la compétitivité et l’écologie. Le gouvernement veut mettre l’accent sur ce dernier axe en allouant 50% des investissements du plan de relance à la transition écologique.
Aux Etats Unis, Joe Biden entend orienter sa politique de relance vers l’emploi, le climat et les classes moyennes. Après l’annonce de 1 900 Md $ dédiés principalement à des aides sociales, les détails de ses deux futurs plans ont été annoncés fin avril : l’un de 2 300 Md $ axé sur le renouvellement des infrastructures du pays, avec un focus particulier sur les investissements verts, l’autre de 1 800 Md $ pour aider les familles et promouvoir l’éducation.
Les États-Unis veulent devenir une force de premier plan dans la lutte contre le réchauffement climatique. Biden a ouvert le sommet climat organisé fin avril, en annonçant que les États-Unis réduiraient de moitié leurs émissions de carbone d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005
Les gouvernements des grandes puissances occidentales ont engagé des ressources publiques importantes dans la relance verte, à savoir au moins 1000 milliards USD. Toutefois, davantage de ressources ont jusqu’à présent été attribuées à des secteurs de reprise économique moins durables, par exemple pour faciliter les investissements dans les énergies fossiles dont les effets sur la croissance seront plus immédiats.
Le système financier est clairement un des axes privilégiés pour le développement d’une croissance durable. Ces dernières années, des milliers de milliards de dollars de capital ont été dédiés à des investissements évalués sur la base de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Une compréhension commune de ce que sont les critères d’une finance « verte » et « durable » accélérerait les flux d’investissement.
En France on compte sur la mobilisation des acteurs financiers pour réorienter l’épargne et les produits d’assurance-vie vers des placements qui soutiennent de nouveaux projets plus durables.
La Commission européenne a publié un plan dédié aux acteurs financiers, « Financer la croissance durable », à travers 3 axes :
- réorienter les flux de capitaux vers une économie plus durable,
- intégrer systématiquement la durabilité dans la gestion des risques,
- favoriser la transparence et le long terme.
En effet les objectifs 2030 fixés par la Commission Européenne sont particulièrement ambitieux :
- réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55% comparé aux niveaux de 1990,
- augmenter à 32% la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique de l’Europe,
- atteindre un niveau d’économie d’énergie d’au moins 32,5% par rapport au scénario business as usual de l’Union européenne.
Pour 2030 l’écart d’investissements nécessaires pour atteindre ces objectifs sera de 260 milliards d’euros par an. C’est pour cela que la réalisation de ces objectifs constitue un défi que le secteur public ne saura pas relever seul – le secteur financier jouant un rôle fondamental pour rassembler le capital privé nécessaire.
Il est désormais essentiel que l’ensemble de l’écosystème financier (banques, institutions, directions financières, agences de notations, family offices, …) se mobilise pour mieux intégrer les risques ESG, concevoir et s’orienter vers des produits financiers durables qui répondront aux grands enjeux ainsi qu’aux attentes des investisseurs.
Désormais les entreprises et les acteurs du monde de la finance permettent aux investisseurs de mesurer l’impact de leurs investissements selon les critères ESG.
Le constat que l’on peut établir pour la croissance des prochaines années est qu’elle passera nécessairement par la prise en compte d’une durabilité. Certains secteurs vont être particulièrement soutenus par des investissements ciblés : infrastructures, mobilité, habitat et le financement de ces efforts qui font partie de la transition écologique ne pourra se faire sans l’apport de financements privés qui nécessite des politiques publiques incitatives et une mobilisation des intermédiaires financiers pour orienter l’épargne et les investisseurs.