Que se passe-t-il sur les marchés des matières premières ?

Les prix des matières premières flambent depuis plusieurs mois. Les produits de base voient leurs cours s’envoler sur les marchés internationaux à la faveur du rebond des économies et plus particulièrement de la Chine. Parler de matières premières, c’est parler de produits totalement différents : énergie, métaux, produits agricoles…
Pour autant on constate depuis quelques mois une hausse généralisée de ces produits
L’indice Goldman Sachs Commodity, dont la progression dépasse 90% sur les douze derniers mois, atteint des niveaux inédits depuis 2015 dans un contexte de hausse des matières premières énergétiques et non énergétiques.
Cette hausse incontrôlée des matières premières constitue un risque pour la reprise et certaines industries sont particulièrement touchées comme l’automobile et le BTP. Les contraintes imposées aux chaînes logistiques par la pandémie de COVID-19 et la réouverture des économies, alimentent ces pressions inflationnistes.

Les raisons de ces hausses sont variées. Au printemps dernier, la demande s’est brutalement effondrée pour les produits de base industriels, car les usines ont été arrêtées. Les cours ont suivi, à commencer par le pétrole dont le prix a même été négatif pendant quelques jours. A ce moment- là, les stocks physiques de pétrole avaient atteint un niveau maximum et le coût du stockage face à une économie à l’arrêt étaient tel que chaque baril produit représentait un coût supplémentaire ; de ce fait sur les marchés le prix d’un baril de pétrole est brièvement passé en négatif. Depuis les déconfinements et la reprise de l’activité, le pétrole a retrouvé des niveaux élevés, supérieurs à ceux de début 2020.

Matières premières : variations prévues et constatées des cours (en %)

Source : Cyclope 2021

On constate de fortes disparités entre matières premières et depuis le début de l’année 2021 ces écarts s’accentuent.

Plusieurs éléments risquent de renforcer ces mouvements. Parmi ceux-ci on peut compter la transition écologique qui va nécessiter des quantités très importantes de métaux (industrie automobile, éoliennes…). A noter également que la croissance du marché des biocarburants, qui pourrait atteindre près de 8% au cours de la prochaine décennie, entraînera une hausse de la demande d’huile de soja.

Les futurs plans d’investissement dans les infrastructures et la hausse de la demande de certaines matières premières liées au secteur électronique devraient soutenir les cours de nombreux métaux.

Les cours du bois flambent. La hausse est énorme sur certains produits. Certains prix de produits ont doublé voire plus depuis un an. C’est le cas du bois d’œuvre pour la construction.
La demande est forte notamment venant des États-Unis et de la Chine. Beaucoup d’Américains, restés chez eux pendant l’épidémie de Covid-19, se sont mis à rénover leur maison. Sachant que les habitations sont majoritairement en bois aux États-Unis, la demande de planches, en particulier de résineux, s’est brutalement accrue. Cette flambée des prix du bois ne profite pas tant que cela aux sociétés forestières nord-américaines. Le bois de construction ne représente qu’un cinquième de leurs débouchés.
Le reste du bois coupé est destiné aux usines de pâte à papier qui vont très mal, à cause de l’effondrement du marché de la publicité papier. La hausse des prix n’a pas réussi à réduire la demande, qui continue d’augmenter pour le moment. Et cela ne devrait pas changer au cours des années à venir, car de nombreux jeunes actifs sont prêts à acheter leur première maison.
Suite aux années de sous-construction qui ont suivi la crise du logement de 2008, les États-Unis n’ont pas assez de logements pour faire face à ce niveau d’achat. Le nombre de maisons à vendre aux États-Unis a chuté de plus de 50% au cours des 12 derniers mois.

Il ne fait plus aucun doute que la crise de la Covid-19 a comme conséquence l’augmentation significative des échanges internationaux, en particulier sur les matières premières agricoles de base indispensables à l’alimentation humaine.
Certains pays ont même modifié leurs règles commerciales pour assurer leur capacité à avoir suffisamment de stocks de matières agricoles de base.

A cela s’ajoutent d’autres facteurs, qui alimentent aussi cette tendance haussière des cours de l’ensemble des matières premières agricoles : soja, maïs, orge, sucre… On peut citer le climat et ses effets négatifs. Le phénomène climatique la Niña, qui s’explique par le refroidissement des eaux du Pacifique, et qui a comme conséquence une sécheresse sur la zone Amérique Centrale et du Sud mais aussi un excès de précipitations dans la zone Asie – Australie.
La sécheresse en Russie a également fortement perturbé les semis et levés du blé pour la récolte de 2021.

Selon plusieurs économistes, la Chine va continuer d’acheter massivement des produits agricoles pendant plusieurs mois encore ce qui crée un déséquilibre mondial.
Enfin, la crise des containers, le manque de main-d’oeuvre dans les plantations de palme, les taxes sur l’exportation de blé russe soutiennent aussi les cours.
Le phénomène est tel que dans certains pays, les autorités prennent des mesures pour enrayer l’inflation de la nourriture. Le seul bénéfice que l’on peut constater est que les métaux comme le cuivre, le fer ou l’aluminium représentent une source majeure de revenus d’exportation pour 35% des économies émergentes et en développement.

Cette hausse des matières premières a un impact direct sur l’inflation. Cette inflation des cours des matières premières résulte comme on le constate à la fois de la pénurie d’offre qui est liée à des aspects conjoncturels mais également d’une croissance très forte de la demande qui elle est structurelle. Les plans d’investissement dans les infrastructures et la transition écologique devraient également jouer un rôle à long terme. Les entreprises seront-elles en mesure de répercuter le coût des intrants sur leurs prix de vente ? Si tel est le cas, on peut alors assister à deux phénomènes distincts : soit une perte du pouvoir d’achat des consommateurs, soit un ajustement à la hausse des salaires qui viendrait alimenter une inflation structurelle.

Les économistes sont encore partagés sur les conséquences de cette demande sur les anticipations d’inflation à long terme. Il sera donc important d’observer dans les mois qui viennent comment ces hausses affecteront la rentabilité des entreprises, se répercuteront sur les salaires. Une résurgence durable de l’inflation salariale pourrait être analysée de manière assez négative par les marchés financiers.

Achevée de rédiger le 5/08/2021