Un Brexit lourd de conséquences économiques
Le Royaume-Uni a voté majoritairement le 23 juin 2016 en faveur de sa sortie de l’Union Européenne. Après trois ans et demi de négociations, de rebondissements et d’hésitations le Royaume-Uni a quitté l’Union Européenne le 31 janvier 2020. Le 1er janvier 2021, il a renoncé à l’union douanière et au marché commun.
Une sortie sans accord du Royaume- Uni a été évitée de justesse. Heureusement, l’accord de 1 200 pages trouvé in extremis entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE), le 24 décembre 2020, limite la casse, évitant droits de douanes et quotas.
En plus des négociations avec l’Union Européenne, le Royaume-Uni a signé des accords commerciaux avec 62 pays parmi lesquels le Japon, Singapour, le Mexique, la Turquie,… pour la plupart dans la lignée des accords qui existaient dans le cadre de l’Union Européenne. Ils ont pris effet au 1er janvier 2021.
Plus d’un an et demi après le Brexit, on constate que le Royaume-Uni subit des conséquences économiques résultant de cette séparation. Le Brexit aurait couté en deux ans au Royaume-Uni 52 milliards de livres (soit environ 58 milliards d’euros). Depuis 2016, le pays a connu une baisse des investissements et la relocalisation de plusieurs institutions financières et communautaires sur le continent.
Le Brexit a des conséquences négatives sur l’économie britannique puisqu’il se traduit, entre autres, par de lourdes charges administratives pour les entreprises et des coûts plus élevés pour maintenir un flux commercial avec l’UE. Tous secteurs confondus, 50% des exportateurs sont en difficulté depuis janvier et les petites entreprises seraient celles qui souffrent le plus. Alors que les effets sur la croissance devaient essentiellement concerner la première année, ceux sur la croissance de long terme pourraient être finalement plus forts que prévus. Des économistes de la London School of Economics ou d’Oxford, évoquent un choc de 6% à long terme.
Aujourd’hui, le manque de travailleurs devient crucial et entraîne des pénuries de plus en plus visibles (carburant, produits alimentaires…).
Alors que l’économie repart, il n’y a plus assez de main-d’œuvre dans les champs, dans les restaurants ou pour conduire les poids lourds. Le Brexit perturbe très largement l’ensemble des chaînes logistiques britanniques. Le transport est le secteur le plus touché. Les chauffeurs routiers sont devenus une denrée rare et tous les patrons se les arrachent. Selon Rod McKenzie, directeur de la Road Haulage Association, le syndicat des transporteurs routiers, environ 100 000 postes sont vacants.
Les travailleurs non qualifiés qui contribuent au bon fonctionnement de l’économie britannique sont généralement des migrants saisonniers venus des pays d’Europe de l’Est, et il est devenu, depuis le 1er janvier, plus compliqué de les faire venir. Cette main-d’œuvre bon marché à laquelle les chefs d’entreprise britanniques n’ont plus accès les oblige à redoubler d’effort pour attirer la force de travail locale et cela passe souvent par une hausse des salaires qui vient réduire la marge des entreprises. Des chaînes de supermarchés comme Tesco, Asda et Sainsbury’s, dont les rayons se vident de certains produits, ont temporairement augmenté les salaires.
Les actifs venant d’autres pays sont également très largement manquants dans des secteurs comme la grande distribution ou encore l’agriculture. Le président de la Food and Drink Federation prévoit que cette situation pourrait empirer dans les prochains mois. Les importateurs qui d’habitude se fournissent en Europe « veulent essayer d’éviter les nouvelles paperasseries et taxes qui vont augmenter leurs coûts et se tournent donc vers les producteurs locaux », qui ne sont pas assez nombreux pour répondre à cette croissance de la demande.
La période de Noël qui approche fait redouter de gros problèmes d’approvisionnement et des retards dans les livraisons qui pourraient être mal compris par les consommateurs britanniques.
En outre, la pénurie de chauffeurs affecte également l’agriculture. On assiste à un gâchis alimentaire et économique causé par le manque de chauffeurs et parce que les abattoirs, en sous-effectif, ne fonctionnent plus à 100 % de leur capacité.
Actuellement il est notoire que la croissance outre Manche est tirée par la consommation des ménages, pas par les exportations. Elles restent à 22 % en dessous du niveau d’avant-crise sanitaire en volume. La moitié des entreprises britanniques notent le manque de fluidité dans les échanges commerciaux du fait des nouvelles formalités à accomplir et de la pénurie de main-d’œuvre.
Financièrement, le pays a été éprouvé par la crise sanitaire et le Brexit : l’endettement a été porté à 108 % du PIB. La livre sterling qui a perdu plus de 22 % de sa valeur par rapport à l’euro à la suite du référendum en 2016 a regagné une partie du terrain perdu. La dépréciation à ce jour s’établit à 10 %. Cette perte de valeur de la livre améliore certes le pouvoir d’achat des investisseurs étrangers mais ceux-ci n’ont pas augmenté leurs flux pour autant.
Le secteur financier est également significativement impacté par le Brexit. L’avenir de la City de Londres – une des principales places financières dans le monde – reste incertain. Ce secteur clé pour l’économie du Royaume-Uni risque de connaître des turbulences alors qu’il pèse environ 150 milliards de livres par an.
Le Brexit a poussé plus de 400 entreprises financières britanniques à déplacer leurs activités, leurs salariés et mille milliards de livres sterling (1.150 milliards d’euros) d’actifs dans des centres financiers de l’Union européenne : les banques ont déplacé ou vont déplacer 900 milliards de livres en actifs de la Grande-Bretagne vers l’UE, tandis que les assureurs et les gestionnaires d’actifs ont transféré plus de 100 milliards de livres en actifs et en fonds.
Le détrônement de Londres par Amsterdam depuis janvier au classement des places financières d’Europe est le signe le plus visible de l’impact du Brexit dans le secteur.
Afin de contrer les effets négatifs du Brexit sur son activité, la City pourrait aussi largement choisir de se focaliser plus sur les affaires avec les places financières non européennes : Wall Street, Hong Kong ou Singapour, et dans la fintech ou la finance verte où elle est en pointe.
D’autres secteurs font l’objet de tensions avec l’UE comme la pêche ou encore les problèmes de la frontière avec l’Irlande. Ces sujets géopolitiques et économiques feront l’objet de longues discussions dommageables pour les deux parties. Le gouvernement britannique devra peut-être revoir certaines de ses positions sous la pression d’une opinion publique contrainte de subir des conséquences inattendues du Brexit avec entre autres, une perte de pouvoir d’achat résultant des hausses de prix liées aux situations de pénurie.