Avec la fin programmée de l’ère de l’argent facile, les marchés se trouvent confrontés à une situation inédite. Cette entrée dans un monde incertain a comme conséquence la multiplication des secousses et la forte augmentation de la volatilité.
La volatilité, souvent appelée « indice de mesure de la peur » connaît de fortes poussées de fièvre depuis quelques semaines. Cette tension soudaine sur les marchés résulte de plusieurs facteurs qui se conjuguent. Les politiques très accommodantes des banques centrales depuis 2009 ont largement contribué à étouffer les fluctuations des marchés. L’abondance des liquidités et les très faibles rendements obligataires ont justifié l’intérêt des investisseurs pour les actifs risqués.
Depuis plusieurs mois les politiques monétaires se durcissent tant en Europe qu’aux Etats Unis, dans les faits et dans les annonces. Ce retour à des politiques dites « normales » se traduit déjà aux Etats Unis par une réduction du bilan de la FED et par une remontée des taux. Ce resserrement monétaire pourrait s’accélérer en raison d’une possible reprise de l’inflation.
L’arrivée récente à la tête de la FED de Jerome Powell en remplacement de Janet Yellen crée une réelle méfiance chez les investisseurs. Powell semble en effet privilégier une hausse plus forte des taux bien que progressive avec comme objectif 2,125% en fin d’année, 2,87% en 2019 et 3,37% en 2020. Ces hausses supérieures aux attentes des intervenants sur les marchés accréditent la thèse selon laquelle l’économie américaine serait proche de la surchauffe.
La situation s’est effectivement améliorée aux Etats Unis avec notamment l’impact positif à court terme de la réforme fiscale ; la croissance devrait donc avoisiner 2,7% cette année avec un niveau de chômage au plus bas de 4,1%. Cette embellie américaine marque peut-être la fin d’un cycle déjà très mûr. Un ralentissement semble s’amorcer d’ici 2019 avec une première baisse du rythme de croissance. Il faut toutefois noter que ce scénario n’est pas encore anticipé par les marchés et que toute remise en cause de la croissance aux Etats Unis, en Europe ou en Chine serait une nouvelle source d’inquiétude et de nervosité.
Le nouveau cheval de bataille de Donald Trump a également contribué à l’évolution récente de la volatilité. Le protectionnisme américain retrouve toute sa splendeur. La dégradation du déficit commercial constitue un risque d’accélération des mesures restrictives. Le président américain semble vouloir faire entrer son pays dans une guerre commerciale qui pourrait avoir des conséquences planétaires en termes de rythme d’inflation et de croissance. Le protectionnisme est clairement un risque pour les marchés d’autant que des mesures prises unilatéralement auront comme conséquences d’autres mesures prises par les pays concernés. L’inflation retrouverait une pente ascendante ce qui entrainerait la réaction des banques centrales et à plus ou moins long terme une réduction du rythme de la croissance mondiale.
Pour analyser le risque de dérapage des marchés en cas de résurgence de l’inflation, il faut étudier les facteurs qui pourraient conduire à son accélération. La hausse des salaires se généralise mais on observe cependant que malgré une amélioration très sensible du marché de l’emploi dans de nombreux pays, cela ne se traduit pas par une indexation systématique des salaires. Cela peut s’expliquer par le développement d’emplois de service peu qualifiés et par des réglementations plus flexibles des marchés du travail dans de nombreux pays.
Doit-on craindre l’inflation importée ? Certes la Chine ne contribue plus à un climat déflationniste mais les prix à la production dans ce pays sont au plus bas depuis un an ce qui limite un effet d’inflation importée.
Les matières premières comme le pétrole ont augmenté en raison d’une demande mondiale soutenue mais à ce jour l’impact inflationniste est modéré.
Le facteur de risque le plus inquiétant pour les marchés reste la politique américaine et les conséquences d’un dérapage budgétaire concomitant avec une profonde réforme fiscale. Cette réforme va accroître les besoins de financement du Trésor américain alors que la FED est lancée dans un programme de réduction de son bilan en réduisant son stock d’emprunts d’Etat.
L’équilibre fragile des marchés obligataires américains risque d’être affecté par une demande en berne et une offre en progression. Comment, dans ce contexte d’incertitude sur les taux d’intérêt, pourrait-on voir une baisse durable de la volatilité ?
Les marchés sont conscients que l’argent facile a fait progresser fortement le niveau de la dette des Etats et des entreprises et l’attention se focalise une fois de plus sur le rythme que vont adopter les banques centrales pour la normalisation de leur politique monétaire.
Ces multiples sources d’inquiétude se cumulent et la visibilité sur les marchés est à ce jour très réduite. Certes les actions restent le meilleur investissement à long terme dans l’hypothèse d’une hausse de l’inflation mais dans un premier temps les turbulences que pourraient connaître les marchés obligataires risquent de fragiliser l’ensemble des actifs y compris les actions et ce d’autant que les valorisations sont déjà élevées.
Le retour de la volatilité n’est pas un obstacle à la performance des portefeuilles boursiers mais un paramètre qui doit être pris en compte pour ajuster à court et moyen terme l’allocation d’actifs. Elle offre des opportunités de placement à condition de privilégier des stratégies offrant une très grande liquidité permettant ainsi d’adapter très rapidement la politique d’investissements.
Nous entrons dans une nouvelle ère économique et financière dans laquelle les réflexes du passé ne seront plus nécessairement les plus générateurs de performance. De même qu’au cours des dix dernières années les marchés ont découvert des paradoxes économiques et financiers, les intervenants pourraient à l’avenir devoir s’adapter à l’émergence de nouveaux mode de gestion des actifs.