Article paru dans « Les nouvelles publications, économiques & juridiques » n°10 085 vendredi 3 janvier 2020.
Les marchés financiers constituent le moteur de l’économie mondiale. La totalité des agents économiques peuvent à un moment interagir sur les marchés. On classe souvent ces agents en deux catégories : les agents à capacité d’épargne positive et les agents à besoin de financement. Certes, les ménages qui représentent une large part de la première catégorie ont souvent un horizon de placement considéré comme assez court alors que les besoins de financement, que ce soient ceux des Etats ou des entreprises sont généralement à long terme. Cela pourrait constituer un jour un frein à l’échange effectif de capitaux.
Cependant une grande partie de l’épargne des ménages a aujourd’hui comme objectif la constitution de revenus complémentaires à la retraite. Les capitaux issus de cette épargne obligatoire ou volontaire se retrouvent investis sur les marchés financiers sans qu’il y ait de problème de durée de placement, l’épargne retraite ayant également un objectif de long terme. On peut donc considérer que le schéma offre / demande est ainsi optimisé, la demande étant en phase avec l’offre de capitaux.
Toutefois, les investisseurs institutionnels dont le rôle est de collecter cette épargne et de la faire fructifier afin de pouvoir verser les retraites aux souscripteurs ; investissent dans le cadre de contraintes réglementaires de plus en plus strictes liées à Solvency II.
Auparavant, l’allocation d’actifs reposait sur le rendement et le risque. Solvency II ajoute à ces deux paramètres celui de minimiser la consommation de fonds propres. Cette directive a pour objectif d’exiger des institutionnels de satisfaire à de nouveaux critères prudentiels. Ainsi plus le risque de détention d’un actif est grand (selon des critères fixés par la directive Solvency II) plus le coût du capital augmente. Cela limite donc considérablement la détention d’actifs risqués tels que les actions. Cette réglementation qui s’applique à la grande majorité des investisseurs institutionnels a eu comme impact de les contraindre à privilégier très majoritairement les placements sur les marchés obligataires considérés comme moins risqués.
L’environnement de taux bas, voire négatifs que nous connaissons depuis quelques années nécessite de la part des institutionnels une adaptation afin de préserver leur équilibre financier et de permettre aux épargnants de voir prospérer leurs placements dans la perspective d’un taux de remplacement optimisé à la retraite.
Force est de constater que ces deux objectifs sont antinomiques. Un assureur-vie par exemple doit valoriser ses engagements à long terme sur la base de taux d’actualisation qui ne cessent de baisser avec comme conséquence une augmentation des provisions. Les portefeuilles d’actifs détenus par les institutionnels seront composés de moins en moins par des titres obligataires achetés quand les rendements étaient hauts et de plus en plus de titres acquis dans les conditions de marchés actuelles, à savoir des taux proches de zéro ce qui aura comme conséquence de réduire le résultat financier.
Le cadre prudentiel de Solvency II a été conçu sans prendre en compte la possibilité de taux d’intérêts négatifs. Cet environnement nouveau vient dégrader directement la solvabilité des assureurs ce qui pousse dés à présent certaines compagnies à émettre de la dette subordonnée assimilée fonds propres pour renforcer cette solvabilité (Arkéa – Suravenir, Ag2R la Mondiale). Les compagnies doivent nécessairement aujourd’hui orienter leur politique commerciale vers une réduction des montants des souscriptions sur les fonds en euros afin de préserver leur équilibre financier.
L’épargne, étant principalement placée sur le long terme, doit retrouver un niveau de rentabilité basé sur l’investissement dans des actifs risqués : actions, immobilier, private equity.
Solvency II est un outil de gestion du risque qui se veut protecteur des investisseurs institutionnels et protecteur de l’épargnant. La baisse du rendement des actifs, nécessitée par l’application de complaintes réglementaires stricte a conduit à une baisse de la rémunération des fonds en euros et des prestations sociales liées à l’actif général des compagnies… Il faut noter que plus les compagnies développent de nouvelles affaires sur des fonds en euros, plus leur taux technique moyen va baisser. Cette baisse elle-même peut également entrainer une baisse d’attractivité augmentant ainsi le risque de rachat par les épargnants et donc un besoin accru en solvabilité.
C’est pour éviter le scénario d’une fuite des capitaux pouvant intervenir entre autres dans l’hypothèse d’une hausse rapide des taux d’intérêts que la loi Sapin II a été votée en 2016, limitant de fait la liquidité des contrats d’assurance-vie.
De leur côté, la solution développée par les compagnies d’assurance est d’inciter les épargnants à diversifier leurs placements en imposant un pourcentage minimum d’unités de comptes (fonds sans garantie en capital) dans les contrats.
Cette nouvelle donne impose également un nouveau regard sur la gestion d’actifs financiers détenus dans l’objectif d’une épargne retraite ou de transmission. La recherche de rentabilité nécessite une très bonne connaissance des classes d’actifs et de maitriser les deux approches d’allocation d’actifs (Top-Down / Bottom-Up) en sachant les conjuguer pour optimiser le couple rendement/risque.
D’une façon générale, diversifier son univers de placement (classes d’actifs et zones géographiques) nécessite d’investir du temps et de se former. Investir sans comprendre démultiplie le risque. Seuls des gérants professionnels présentent aujourd’hui pour un investisseur le double intérêt de la compétence et de la réactivité.
Les marchés financiers et les marchés actions en particulier doivent occuper une place de choix dans tout investissement à long terme. Ils offrent de loin la meilleure rentabilité à 30 ans en prenant en compte le réinvestissement des dividendes. Comme explicité au début de cet article, le financement de l’économie par les marchés financiers passe par un accroissement des investissements privés et institutionnels sur ces marchés. Comme on le constate Outre-Atlantique, le lien étroit existant entre les marchés et les épargnants a des impacts vertueux pour l’économie et donc pour les investisseurs.
Une économie irriguée par des capitaux long terme permet d’offrir aux entreprises une plus grande visibilité et donc d’investir plus sereinement, de se développer, d’assurer des rémunérations attractives à leurs salariés et des dividendes stables à leurs actionnaires qui alimentent les prestations sociales (retraites, prévoyance…) offertes par les grands institutionnels. Ce cercle vertueux est un modèle souvent mis en avant par les critiques du cadre rigide de Solvency 2.