Parler de gestion de trésorerie avec des dirigeants d’entreprise amène au constat suivant : les solutions habituelles de placement ne sont plus vraiment pertinentes et ne justifient pas le temps passé pour les négocier.
On constate aujourd’hui une progression du volume de trésorerie des entreprises en France et pour autant celle-ci est de moins en moins placée. La raison de ce faible pourcentage de placement se résume ainsi : le niveau très faible voire nul ou même négatif des taux d’intérêt.
La trésorerie d’entreprise était jusqu’au milieu des années 2010 le plus souvent placée en comptes à terme qui, à ce jour, rémunèrent en moyenne entre 0,1 et 0,3% sur trois ans avec pour les plus attractifs des pénalités en cas de sortie anticipée.
Les Sicav monétaires, longtemps considérées comme le placement le plus souple, n’offrent désormais après prise en compte des frais que des rendements négatifs sauf à intégrer des investissements dits dynamiques qui augmentent sensiblement le risque et qui ne sont pas d’une réelle transparence.
Le contrat de capitalisation investi à 100 % en fonds en euros a, quant à lui, quasiment disparu de l’offre des compagnies d’assurance et, quand bien même il serait encore commercialisé, son rendement moyen se situerait autour de 1,5% avec pénalité de sortie avant 3 ans.
Dans tous les cas précédemment cités, le rendement net de l’inflation serait au mieux égal à zéro. L’érosion du capital représente donc une réalité pour les entreprises bénéficiant d’une trésorerie excédentaire récurrente. Ce constat conduit donc à un besoin d’innovation dans la gestion de trésorerie.
Avant d’aborder les nouvelles formes de gestion financière de la trésorerie d’entreprise, il est nécessaire d’avoir une approche économique de cette trésorerie.
Un dirigeant d’entreprise peut, à juste titre, considérer que l’investissement sous toutes ses formes (croissance interne, externe, augmentation de la masse salariale…) peut être générateur à plus ou moins long terme d’un rendement bien supérieur à celui d’un placement financier.
Si l’utilisation économique est écartée, l’approche financière nécessite alors une étude en plusieurs étapes.
La première étape consiste à établir une charte de trésorerie qui permettra, en prenant en compte l’analyse financière de l’entreprise ainsi qu’une analyse juridique (statuts…) et une analyse fiscale, de définir une segmentation de cette trésorerie par montant, par type de risque, par durée de placement, par devise…
Cette charte de trésorerie nécessite d’établir, avec les partenaires extérieurs que sont l’expert-comptable, le banquier ou les actionnaires, quels sont les indicateurs financiers pertinents pour l’entreprise. Ces éléments sont essentiels pour fixer un cadre de travail. Une charte de trésorerie constitue un outil de long terme adapté à tout type d’entreprise, d’organisme public ou d’association. Elle doit être rédigée par les équipes dirigeantes sous le contrôle des associés avec l’aide de conseils extérieurs afin de constituer un gage de rigueur vis-à-vis des partenaires extérieurs et d’être un facteur générateur de performance dans la limite établie de prise de risque.
La deuxième étape implique une analyse précise des statuts de l’entreprise afin de vérifier si les placements financiers envisagés sont bien conformes à l’objet social. Le cas échéant, il conviendra d’aménager les statuts pour autoriser les dirigeants à réaliser certains placements. La charte de trésorerie constitue dans ce domaine également un cadre de référence et une protection pour le chef d’entreprise.
L’analyse financière constitue l’étape qui déterminera la segmentation de la trésorerie. Cette étude pourra faire intervenir l’expert-comptable et le conseil en gestion d’actifs. L’objectif sera de préciser le montant du BFRE (besoin en fonds de roulement excédentaire), d’analyser la politique de financement, d’étudier le type de croissance de l’entreprise et de déterminer les ratios clefs adaptés à son activité afin d’en assurer le suivi. Ainsi, cette analyse financière améliorera la réactivité dans la gestion de trésorerie.
La segmentation de la trésorerie permettra de répondre à des besoins identifiés ou anticipés sur une échelle de temps de un jour à plus de cinq ans.
Une gestion ALM (actif-passif) devra nécessairement être mise en place. Les principes de base de cette gestion sont les suivants : 1) l’identification des besoins et la date de leur réalisation ; 2) la détermination de poches de gestion (montant, durée du placement et niveau de risque toléré) ; 3) la recherche de produits financiers adaptés à chaque poche. Les solutions financières apportées doivent toutes respecter des critères de liquidité, de simplicité, de diversification et de transparence sur les conditions d’émission, de commercialisation, et de sortie en tenant compte des conséquences fiscales.
Les investissements proposés et adaptés à chaque entreprise devront bien entendu dépendre de l’horizon d’investissement.
Le risque proposé sera proportionnel à la durée de l’investissement. Pour chaque solution envisagée, il sera nécessaire de procéder par appel d’offre et par une étude comparative afin d’optimiser l’ensemble des critères préalablement exposés.
Bien sûr, les rendements les plus attractifs sont offerts par les placements les plus risqués mais le risque majeur est de ne pas maîtriser suffisamment la structuration de la solution financière. Qu’il s’agisse de produits structurés, de dette privée, d’Euro PP, de démembrement de parts de SCPI ou d’obligations convertibles, ces placements peuvent correspondre à la politique de gestion de trésorerie d’une entreprise à condition que les enjeux soient maîtrisés. Le rôle du conseil externe consiste à apporter une plus-value dans le processus de sélection, de suivi et de reporting.
Une gestion de trésorerie étudiée et calibrée peut encore être créatrice de valeur à condition de faire l’objet d’une analyse régulière et de rester à l’écoute des marchés et des solutions financières de qualité.