La gestion privée se veut une gestion sur mesure et d’excellence. Pour la gestion financière proprement dite, la connaissance fine des contraintes et des objectifs patrimoniaux de l’investisseur est une condition déterminante. La pratique actuelle ne consiste pas à faire de la gestion actif-passif mais de la gestion d’actifs. Les contraintes et le passif de l’épargnant sont, au final, rarement pris en compte.

Premières réflexions et études préalables

Un audit de la situation présente de l’épargne s’avère nécessaire dans la plupart des cas afin d’analyser le niveau de risque des placements et l’adéquation avec les attentes des investisseurs.

Tout au long de cette étude, il ne faut pas perdre de vue le but  premier qui est de placer la relation épargne-objectifs de l’épargnant au centre de la discussion.

Une nouvelle conception de l’optimisation de l’épargne, passe par l’établissement d’un cahier des charges de l’épargne.

Les priorités doivent faire l’objet d’un classement précis.

Le niveau d’aversion au risque constitue également un élément de discussion visant à mettre en exergue le lien risque/ durée du placement.

On pourra établir un tableau de répartition des encours financiers en fonction de la durée de l’épargne à placer (en fonction de l’âge, de la situation familiale, des revenus, du patrimoine, des revenus anticipés, retraite…)

Epargne Court terme :

Elle doit répondre à des besoins de financement à court terme.

Quel type de support à court terme peut-on proposer ?

L’épargne courte ne doit pas excéder un horizon d’un an.

Il faut identifier la part de la trésorerie, correspondant aux dépenses courantes, qui doit être immédiatement disponible et la laisser en compte courant.

On peut également utiliser notamment des placements comme :

+ Livret A

+ CDN ou CAT ou livret à taux bonifié en fonction de l’encours à placer à court terme

+ Contrat d’assurance vie ou contrat de capitalisation investi dans des supports très peu risqués

Sauf dans l’anticipation d’un besoin spécifique (investissement programmé) à moins d’un an, il est indispensable de réduire au maximum le montant des placements à court terme qui ne seront rémunérés que très marginalement.

Epargne longue :

Aujourd’hui il est nécessaire d’anticiper les besoins financiers à moyen et long terme afin de se prémunir contre les aléas de la vie, de prévoir des dépenses significatives et de se préparer à la constitution de compléments de retraite pour faire face à des besoins en fin d’activité professionnelle dans un contexte de diminution des taux de remplacement des régimes obligatoires.

Pour répondre à ces besoins, il est primordial d’initier le plus tôt possible la constitution d’une épargne longue.

Il est important de rappeler que l’épargne longue doit être placée en produits dits longs.

Les produits court terme, trop souvent utilisés comme substitut à une épargne long terme, ont des rendements relativement faibles notamment à cause de leur flexibilité et ne sont donc pas adaptés pour des durées de placement effectivement longues.

L’épargne financière doit permettre de subvenir à des besoins variés à différentes époques de la vie d’un investisseur.

A chaque emploi correspond un horizon temporel auquel les produits d’épargne doivent être adaptés. Certains besoins nécessitent la constitution d’une épargne longue comme l’anticipation de charges futures liées à la structure familiale ou la volonté de compléter ses revenus à la retraite pour améliorer son niveau de vie ou pour faire face à des problèmes de dépendance en fin de vie.

L’objectif global de l’épargne longue est d’augmenter le rendement global de l’épargne dans le respect d’un profil de risque déterminé.

Analyse des performances passées des actifs financiers et leur comportement dans le cadre d’une épargne longue.

– Les actions

Le premier constat que l’on peut faire est que les actions ont fait mieux que les obligations sur les 30 dernières années. Elles ont également surperformé tout autre type d’actifs en analysant leur performance dividendes réinvestis.

En outre, le taux de rentabilité totale des actions (y compris dividendes réinvestis) est nettement supérieur au taux de croissance du PIB.

De fait la rentabilité réelle moyenne des actions est stable autour de 6% par an lorsqu’on retient des périodes d’observation suffisamment longues.

Si on les compare aux emprunts d’Etat, les actions affichent une performance supérieure dans 72% des cas si elles sont détenues au minimum 10 ans et dans 96% des cas pour une détention de 20 ans et ceci dans une période extrêmement favorable aux obligations grâce à la baisse continue des taux d’intérêt.

Aborder le sujet des actions revient nécessairement à parler du risque associé à cette classe d’actifs.

Le risque relatif des actions (par rapport aux placements obligataires ou monétaires) diminue avec l’horizon de placement.

Pour une durée de 10 ans, ce risque devient inférieur à celui des emprunts d’Etat (même hors période de crise des dettes souveraines).

Dans le cas des actions, la fréquence des périodes où la rentabilité cumulée est négative diminue très nettement avec la durée d’investissement pour tomber à zéro pour une durée de 20 ans de détention.

La diminution du risque relatif des actions sur le long terme s’explique par des phénomènes de retour à la moyenne.

 En effet, les actions présentent une corrélation sérielle négative : les phases de forte rentabilité succèdent à des phases de mauvaise performance. Il s’agit du principe de retour à la moyenne de leur rentabilité.

La gestion des actions dans un portefeuille :

Compte tenu des éléments d’appréciation du risque qui ont été observés, il n’est pas vraiment justifié de dire que les actions sont peu risquées à long terme, ni qu’un épargnant doit toujours être investi au maximum en actions de façon « buy and hold » (acheter et garder).

Il ne faut pas confondre horizon de placement et dynamique de gestion d’actifs.

Classiquement, on considère que la part d’actions que détient un investisseur dans un portefeuille d’actifs financiers résulte de :

-son niveau d’aversion au risque

-sa culture et sa connaissance des produits et mécanismes financiers

-son âge

-son niveau de revenu

On constate que le revenu est une fonction croissante puis décroissante de l’âge et l’épargne en actions est elle même une fonction croissante du revenu.

La recommandation normative serait que l’exposition aux actions suive au long de la vie une courbe en cloche.

Dans la plupart des portefeuilles actions, et quels que soient le ou les supports d’investissement (OPCVM, titres en direct…), l’absence de diversification et les investissements trop pro-cycliques accroissent sensiblement le niveau de risque.

L’exemple le plus flagrant est la sur-représentation des actions françaises dans les portefeuilles qui constitue un facteur majeur de sous performance. Il faut noter que les valeurs françaises ne sont pondérées qu’à hauteur de 5% dans les indices internationaux. Ceci ne veut pas dire qu’un épargnant français ne doive pas détenir une part significative de son épargne en actions sur son marché domestique. C’est un biais naturel justifié par une meilleure connaissance du tissu économique français.

La protection contre le risque d’investissement en actions passe par la diversification.

En passant de 1 à 20 actions dans un portefeuille, on peut réduire le risque sans réduire le rendement.

La diversification internationale permet d’éliminer environ ¼ du risque. En outre, une part investie dans des titres de petites et moyennes entreprises n’accroît pas le risque et participe à l’augmentation de la rentabilité du portefeuille.

De même que la diversification d’un portefeuille constitue un important facteur de réduction du risque, la stratégie qui consiste, pour un investisseur à long terme, à acquérir des titres actions de façon « contrarian » (quand personne n’en veut) est un axe central de contrôle du risque.

Cette stratégie a pour vertu d’acheter un actif financier de type action avec une valorisation attractive au moment où le marché ne s’intéresse plus à cet actif.

Des études passées ont démontré toute la pertinence de cette approche.

Seuls les chocs véritables sur les profits des entreprises pénalisent les investisseurs de long terme alors que les autres chocs (de type taux d’intérêt) n’ont qu’un impact transitoire sur la valeur des actifs.

– Les produits de taux

En ce qui concerne les produits de taux, la rentabilité réelle obtenue au bout de 15 ans est en moyenne d’autant plus élevée que le taux de rendement initial était haut. Il faut donc s’attendre à une rentabilité réelle très médiocre pour les emprunts d’Etat à l’horizon des 15 prochaines années.

Les obligations présentent, à l’inverse des actions, une corrélation sérielle positive : le taux d’intérêt actuel est un bon prédicateur du taux d’intérêt futur.

Lorsqu’on tient compte de l’inflation, les placements en produits de taux (non indexés sur l’inflation) ne sont pas sûrs pour un investisseur à long terme qui se trouve confronté à une érosion régulière de son capital.

Le client épargnant à long terme qui vise à s’assurer un certain niveau de consommation dans le futur est exposé de fait à un double risque : le risque de taux d’intérêt et le risque d’inflation.

Ces deux risques caractérisent parfaitement les produits à taux fixe.

De ce fait, les placements en produits de taux qui se rapprochent le plus d’un actif sans risque pour un épargnant à long terme ne sont ni les placements monétaires ni les placements en obligations classiques mais les emprunts d’Etat indexés sur l’inflation (OATi).

Premières mesures à prendre permettant d’aborder l’approche de gestion actif/passif du patrimoine financier d’un client

On peut raisonnablement faire le constat que les particuliers ont une méfiance accrue face aux produits financiers. Crises et scandales financiers ont laissé des traces.

De plus, le développement et la sophistication grandissante du dispositif d’épargne sont des obstacles notables à la diffusion d’une éducation financière utile aux épargnants.

Ce constat, ainsi que l’ensemble des réflexions et analyses développées ci dessus conduisent à un certain nombre de recommandations.

-il est important d’épargner tôt, quel que soit son patrimoine et quels que soient ses revenus.

-les investisseurs les plus jeunes doivent être incités à allonger la durée de placement de leur épargne et à investir dans des produits à plus fort rendement. Il est important qu’ils détiennent des actifs dynamiques (actions ou produits investis en actions)

Il est important d’orienter l’épargnant vers la prise en compte d’objectifs précis dans un horizon de temps à déterminer.

La mise en place de la méthode ALM

La méthode ALM (Asset Liability Management) ou méthode de gestion actif/passif est généralement utilisée par les investisseurs institutionnels comme les compagnies d ‘assurance et les caisses de retraite mais elle peut également être transposable à la gestion de l’épargne d’un client particulier.

L’utilisation de l’épargne change, elle bascule de l’accumulation de capital en vue de le dépenser à la retraite à un modèle de génération de revenu ou de protection face aux risques (dépendance, santé, maintien du niveau de vie, transmission entre générations compte tenu que l’Etat ne peut plus offrir aux jeunes générations les protections et les opportunités dont leurs parents ont pu bénéficier).

On passe d’un modèle de performance relative à celui de performance absolue.

La gestion ALM possède les caractéristiques répondant aux exigences de qualité et de contrôle des risques souhaitées par les clients : solutions personnalisées, stratégies claires et compréhensibles, objectifs tangibles et gestion des risques sophistiquée.

Seule une gestion professionnelle de l’épargne peut conduire à la mise en place efficace d’une gestion actif/passif performante.

La gestion ALM se structure en trois temps

 – la réflexion sur les engagements du passif (objectifs)

– l’allocation d’actifs

– la gestion d’actifs

Chaque investisseur doit répondre à quatre types d’approche qui sont importantes à identifier :

Le profil de ses objectifs

Le profil de son horizon de placement

Le profil de ses contraintes et de son aversion au risque

Le profil de patrimoine et de revenus dédiés à l’épargne

1 ) Chacune de ces analyses caractérise le passif

La première analyse donne un éclairage sur le type de passif auquel l’épargnant devra faire face, comme des besoins de revenus à la retraite, une acquisition immobilière prévue (au delà d’un an), le paiement d’études pour des enfants, la prise en charge financière de la dépendance d’un ascendant…

La deuxième analyse concerne l’horizon de placement qui peut être découpé par périodes avec des échéances à honorer qui dépendent de la première analyse.

La troisième analyse qui classifie les investisseurs en termes de niveau d’aversion au risque comprend des éléments plus subjectifs et moins quantifiables mais permet néanmoins d’avoir une meilleure compréhension des contraintes de gestion.

Ce n’est pas tant l’aversion au risque qui est déterminante dans la gestion actif/passif que l’aversion plus ou moins forte de l’investisseur à la non réalisation de ses objectifs de long terme.

La dernière analyse est déterminante pour   anticiper si l’effort d’épargne sera régulier ou si la contribution à la constitution d’un patrimoine financier sera très aléatoire.

2) Ces quatre analyses vont amener l’implémentation des techniques de gestion actif/passif qui devront répondre aux attentes diverses de façon personnalisée en termes d’allocation d’actifs afin de couvrir spécifiquement les risques particuliers.

L’allocation d’actifs est une partie intégrante de la méthode de gestion actif/passif. Aucun actif n’est exclu du processus d’allocation d ‘actifs.

3) La gestion d’actifs ne viendra dans un troisième temps que comme « mise en musique » des décisions d’allocation d’actifs prises après la détermination des engagements du passif réalisée dans la phase de gestion actif/passif.

La gestion d’actifs permettra également, dans le respect des objectifs long terme déterminés par l’ALM, d’optimiser la gestion et la performance à court terme grâce à une gestion plus fine des différentes classes d’actifs.

Le portefeuille d’actifs financiers devra répondre à des critères d’adéquation des actifs avec l’horizon de placement et de diversification entre classes d’actifs et au sein d’une classe d’actifs dans le but de réduire le niveau de risque mais pourra aussi être infléchi par la perception à court terme des marchés du gérant professionnel en charge du portefeuille.

Dans les éléments de présentation de ce document concernant les actions est avancée la recommandation selon laquelle la proportion de cette classe d’actifs dans un portefeuille doit suivre une courbe en cloche.

Ceci implique donc la révision régulière de l’allocation en fonction des rentabilités futures prévisibles et de l’horizon de placement résiduel.

Il faut en effet réduire la part des actifs risqués lorsque le client se rapproche de la date de liquidation de son épargne.

Cette méthode permettra de répondre de manière beaucoup plus efficace aux besoins et attentes d’un épargnant.

Cela permettra également de dégager la gestion d’actifs de la dictature systématique de la performance annuelle relative pour concentrer l’effort sur la performance absolue répondant aux objectifs prédéterminés.

Dans l’analyse des solutions de placement envisagées dans le cadre de la méthode ALM, il est important de ne pas confondre classes d’actifs et outils de gestion de ces actifs.

Les outils de placement (Comptes titres ordinaires, Assurance Vie, PEA…) ne sont que l’emballage des placements financiers qui résulteront d’autres critères d’analyse.

Un des axes de réflexion de la gestion actif/passif et d’une mise en place d’une gestion d’actifs à long terme passe par une remise en cause de la fiscalité comme déterminant de l’acte de gestion.

Il ne peut pas être tenu compte de la fiscalité (ou seulement marginalement) pour l’orientation des placements d’une épargne longue.

L’optimisation fiscale interviendra dans le choix des outils de gestion utilisés dans le cadre de la gestion d’actifs.

Contrairement à des idées bien établies qui consistent à considérer comme très attractifs les fonds flexibles, il est préférable, dans le cadre d’une gestion ALM, d’utiliser des supports d’investissement purs qui pourront être plus aisément utilisés pour faire face à des engagements du passif.

Il faut également établir des simulations de couverture des risques et contraintes qui auront été préalablement constatés.

Il doit exister la meilleure corrélation possible entre l’engagement et l’actif sensé réduire au maximum ce risque. Il faut sortir de l’approche traditionnelle du risque qui amène à considérer uniquement le risque de marché pour se concentrer sur les risques du client.

L’allocation d’actifs qui sera mise en place ne devra exclure aucune classe d’actifs (actions, obligations classiques ou indexées, pierre papier, devises, matières premières, private equity…) ; elles seront utilisées dans le seul but de couvrir au mieux les risques de passif du client.

Ce type de gestion a une seule ambition : répondre aux attentes des investisseurs.