La donation au dernier vivant (DDV) offre une bonne protection et en principe certaines options. Mais pour la comparer plus en détail à la situation sans donation entre époux, il faut rappeler :

  • Qu’en présence d’un enfant non commun, l’époux survivant n’a droit qu’au ¼ en pleine propriété dans la succession, et n’a plus le droit d’opter pour l’usufruit de la totalité. La DDV permet de conserver cette possibilité même avec un enfant non commun
  • Qu’en présence de moins de 3 enfants, le conjoint survivant peut obtenir avec la DDV 1/2 ou 1/3 en pleine propriété de la succession, selon qu’il y a un ou deux enfants, alors que la part en pleine propriété n’est que d’1/4 sans DDV quel que soit le nombre d’enfants
  • L’assiette sur laquelle porte l’usufruit est plus important avec une DDV que sans : en effet l’usufruit universel se calcul différemment selon qu’il provient de l’effet de la loi ou d’une convention. L’usufruit légal peut se réduire voire disparaître dans certains cas. L’art 757 du Code Civil (usufruit légal) prévoit l’usufruit de la totalité des biens existants quand l’art. 1094-1 CC (DDV) prévoit l’usufruit de la totalité des biens. Les droits légaux portent donc sur une assiette correspondante aux biens existants au jour du décès uniquement.

A.      Masse de calcul des droits

Les droits du conjoint sont calculés sur la valeur civile du patrimoine après rapport des donations.  En cas de donations rapportables importantes, la part du conjoint, même s’il opte pour la pleine propriété uniquement, peut couvrir tout le patrimoine successoral non donné antérieurement.

B.      Application des droits du conjoint sur les droits des héritiers

Il faut distinguer la réserve héréditaire et la quotité disponible spéciale entre époux.

La réserve héréditaire est toujours calculée de la même manière, en fonction du nombre d’enfants, et se détermine en valeur sur le patrimoine réuni fictivement.

Certains cas peuvent être particuliers, nous prendrons un exemple :

Un couple a deux enfants. Ils ont mis en place une donation entre époux. Le père avait donné sans partage un terrain il y a quelques années aux deux enfants en indivision pour une valeur de 20 000 €. Le terrain devenu constructible en vaut désormais 1,5 M€.

Le patrimoine du couple est lui aussi de 1,5 M€. Ils sont mariés sous le régime légal de la communauté et ce patrimoine est commun.

A la succession du père, le patrimoine réuni fictivement est de 1,5 M€ (rapport donation) + 750 K€ (moitié communauté) soit 2,25 M€.

La réserve globale est de 2/3, soit 1,5 M€, soit par enfant 750 K€.

La donation reçue (750 K€ chacun) couvre donc intégralement la réserve.

1 / La donation entre époux s’applique comment ?

En effet si la conjointe opte pour la QD, soit 1/3, elle prendra tout le patrimoine restant, les enfants étant allotis juste avec la donation rapportable.

Si la conjointe opte pour ¼ PP + ¾ U, comment s’applique ses droits ?

La donation entre époux s’applique sur la masse d’exercice, c’est-à-dire sur les biens existants au décès. Puisqu’il ne reste plus que la QD, l’option du conjoint s’appliquera sur 1/3 du patrimoine ici.

Ne pas confondre avec la masse de calcul qui sert simplement à calculer les droits, que le patrimoine existe encore au jour du décès ou non.

2/ Le père a mis en place un testament pour léguer la QD à sa fille, quels droits aura la conjointe ?

En effet, si les réserves sont épuisées par la donation, et si la QD est léguée à la fille, comment peut s’appliquer la donation entre époux ?

Sauf s’il est prévu par écrit un ordre d’imputation, le legs et la DDV viennent en concurrence, il faut donc répartir les droits de la fille et de sa mère concurremment :

  • Si option DDV = quotité disponible. Dans ce cas les deux ont droit à la QD en PP donc chacune aura 50% en PP de la QD 
  • Si option DDV = 100 % usufruit, il faut réfléchir par droit démembré :
    • Pour l’Usufruit :
      • La fille a droit à 100 % de l’usufruit et la mère aussi, donc chacun aura 50 % de l’usufruit
    • Pour la Nue-propriété :
      • La fille a droit à 100% de la nue-propriété et la mère n’a rien

Donc la fille aura 100% en NP de la QD. Conclusion : la fille à 50% en U et 100% en NP, la mère a 50% en usufruit 

  • Si option DDV = ¼ en PP et ¾ en usufruit
    • Pour l’usufruit : la mère comme la fille ont droit à 100% de l’usufruit car leurs droits recouvrent tous deux l’usufruit. Donc : 50% de l’usufruit chacune.
    • Pour la nue-propriété : la mère a droit à la NP sur ¼ et la fille sur toute la QD. Les deux droits se cumulent donc pour atteindre 25% + 100% = 125 % soit plus que la QD. Il faut donc rapporter leurs droits respectifs sur une base de 100, en se posant la question suivante : si 125 % c’est 100 % alors 25% c’est ? faire une règle de 3.
      • Fille : (100 * 100) /125 = 80 %
      • Mère : (25 * 100) /125 = 20 %
      • Conclusion :
        • La fille : 50% usufruit + 80% NP
        • La mère : 50% usufruit + 20% NP