Le pacte d’associé a un caractère extra-statutaire. Il permet d’y inclure certaines clauses avec plus de liberté que dans les statuts de la société (soit parce qu’elles y seraient prohibés, ou encore inadaptées, soit parce qu’elles peuvent être temporaires ce qui permet de valider certaines clauses justement du fait de cette caractéristique). Toutefois, la jurisprudence est abondante et les limites aux abus nombreuses, la première étant le respect de l’ordre public sociétaire.

Contrairement aux statuts, les pactes d’associés ne sont pas publiés au greffe du tribunal de commerce, ce qui permet de conserver le secret à l’égard de tous les tiers au pacte, même s’ils sont associés ou ont un rôle dans la société (dirigeant non associé par exemple, créanciers etc.).

De plus, le pacte peut être modifié sans avoir à respecter un formalisme particulier, ce qui n’est pas le cas d’une modification des statuts.  Cependant, l’unanimité sera requise.

La force des pactes d’associés réside principalement dans le fait qu’elle impose une obligation morale et secrète, une ligne de conduite à tenir entre certains associés, permettant ainsi d’avoir une certaine pérennité sur les sujets réglés dans le pacte. Le risque pris en cas de non respect du pacte est surtout pécuniaire. En effet, il sera possible d’évoquer la responsabilité contractuelle de celui qui n’aura pas respecté ses engagements. Une indemnisation pourra être décidée, mais, dans les faits, rarement une exécution forcée. Du moins, c’était le cas avant la réforme du droit des contrats de 2016 (notons qu’une clause prévoyant cette exécution forcée était réputée non écrite car en opposition à l’ancien article 1142 du Code civil [1]). Depuis le 1er octobre 2016 l’article 1221 du Code civil vient poser le principe de l’exécution en nature sauf cas exceptionnels [2]. Quoi qu’il en soit, la force obligatoire des pactes d’associés augmente avec cette réforme et cela apparaît opportun.

Notons qu’il est possible, pour augmenter cette force, de prévoir, dans les statuts cette fois, une clause d’exclusion de l’associé, ou de révocation du gérant/dirigeant, au motif du non respect du pacte extra-statutaire.

Le préambule 

Le préambule ou les propos liminaires, introductifs, et présentés avant les articles, sont utiles à la compréhension d’un pacte d’associé. Cela permet d’exprimer par écrit l’intention des parties, les raisons de la rédaction du pacte, l’esprit dans lequel il est rédigé et le but recherché.

En cas de conflit entre deux signataires du pacte, ces propos peuvent permettre de faire ressortir quelques intentions ou grandes lignes pour constituer le début d’un « faisceau d’indices ».

Cependant, il convient de noter que cela n’aura pas la force des clauses qui suivront en cas de non respect du pacte et de contentieux, comme nous l’apprend un arrêt CA Paris du 29 sept. 2016, n° 15/07864. En effet, il ressort de cet arrêt que le caractère général du préambule doit laisser place aux stipulations à caractères spéciales du pacte (les articles) : les dispositions spéciales doivent l’emporter sur les dispositions d’ordre général . De plus, rappelons que :

L’article 1189 du Code civil dispose que :

Toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier. Lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci.

L’article 1191 du Code civil dispose que :

Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun.

Si le préambule ne peut pas avoir une force supérieure aux clauses, il peut au moins permettre d’étudier le « contexte contractuel ». Il conserve un intérêt par rapport aux tiers et notamment à l’administration fiscale.

En effet, lorsqu’il est mis en place un régime fiscal particulier comme le pacte Dutreil (transmission), et que les conditions sont difficiles à réunir (pourcentage de titres insuffisant, fonction de direction assurée par un autre associé etc.), il est possible de faire concourir à la signature d’un engagement collectif de conservation un autre associé. Mais dans ce cas, il est nécessaire d’être certain que celui qui concoure à l’engagement ne vas pas faire machine arrière au risque d’empêcher ou de remettre en cause l’exonération dont aura bénéficié la transmission. Un pacte d’associé peut permettre de prévoir contractuellement  le respect de ces obligations. Ici, le préambule peut avoir son importance.

D’une part cela permettra d’aller plus loin que les clauses. Une clause d’inaliénabilité des titres pendant 6 ans qui s’impose à l’associé non donateur est une chose. Mais, remis dans le contexte grâce au préambule, c’est à dire en indiquant que l’objectif est de pouvoir satisfaire aux engagements pris sur un plan fiscal et de ne pas risquer un redressement, est une autre chose. En cas de non respect du pacte par l’un des signataire, il ne s’agira pas d’une simple désobéissance à l’interdiction de céder ses titres, mais bel et bien d’une désobéissance en toute connaissance de cause des conséquences extrêmement importantes pour le donateur/donataire qui risque un redressement fiscal. Le risque et les conséquences étant connues, le dédommagement sera, on l’espère, plus important car la mauvaise foi plus facile à établir. De fait, le signataire réfléchira à deux fois avant de rompre le pacte, ce qu’il n’aurait peut être pas fait s’il ne connaissait pas la raison de l’interdiction d’aliéner.

D’autre part, plus le préambule est explicite et complet, plus les arguments seront nombreux et utiles pour discuter avec l’administration en cas de problème.

Exemples de clauses que l’on peut prévoir dans un pacte d’actionnaire :

  • Clause d’inaliénabilité des titres : de manière temporaire, il est possible de prévoir par exemple entre associés fondateurs, ou sur demande d’un investisseur extérieur, l’impossibilité de céder les titres. Cela permet notamment de se rassurer sur l’implication des associés concernés dans l’activité.
  • Clause de durée : Elle peut être indéterminée ou déterminée pour une durée fixe. Dans le premier cas chaque signataire pourra y mettre fin à tout moment ce qui apparaît moins sécurisant, sous réserve toutefois du respect d’un délai de préavis raisonnable et généralement prévu dans le pacte.
  • Clause de préemption : elle permettra aux autres associés d’avoir la possibilité de racheter les titres de l’associé souhaitant les céder, de manière prioritaire.
  • Clause liée aux comptes courants d’associés : permet de prévoir par exemple un blocage des comptes, ou des obligations de versement, des modalités de remboursement, de rémunération, d’intégration au capital social etc.
  • Clause de liquidité : Elle permettra d’assurer la liquidité à terme des titres d’un investisseur par exemple.
  • Clause d’agrément : bien qu’elle soit généralement prévue dans les statuts, sa présence dans un pacte d’actionnaire peut permettre de concentrer la décision d’agrément sur les associés principaux et signataires du pacte.
  • Clause liée à la bonne application de dispositifs fiscaux : elle pourrait permettre de s’assurer du respect des conditions imposées par la loi fiscale. C’est le cas par exemple de la mise en place d’un pacte Dutreil. Certains associés signataires prendraient l’engagement de ne pas céder leurs titres pendant l’engagement de conservation collectif.
  • Clause de confidentialité : cela permet d’organiser avec précision et force le niveau de confidentialité souhaité.
  • Clause de cession forcée : Un associé pourra imposer aux autres signataires le rachat de ses parts. Cela permet par exemple d’organiser la sortie d’un minoritaire.
  • Clause d’exclusion : elle peut être automatique ou de plein droit lorsque les conditions prévues sont réunies ou qu’un comportement est constaté. Il faudra alors regarder les modalités de rachat des actions. Cela peut être dû à la perte de fonction d’un associé dirigeant, ou encore le changement de contrôle d’une holding associée. Si elle n’est pas automatique, une décision de l’assemblée générale, après avoir entendu l’associé concerné. Il pourra voter également dans cette assemblée selon la jurisprudence (Cass. com 9 juill. 2013 n° 12-21.238).
  • Clause anti-dilution : elle permettra aux associés signataire de garantir leurs droits en cas d’augmentation de capital
  • Clause d’adhésion : toute transmission de part impliquerait alors adhésion au pacte du nouvel associé.
  • Clause de bonne conduite : cette clause permet de prévoir tout ce qui apparait important à son rédacteur dans la limite de ce qui apparaitrait abusif ou contraire à l’ordre public. Cela peut permettre par exemple de prévoir que l’associé survivant s’occupera de la société pour les héritiers du défunt sans chercher à les évincer.
  • Clause concernant la stratégie des associés : par exemple le fait de préférer réinvestir les premières années plutôt que de distribuer un dividende conséquent.

 

 


[1] Art. 1142 Code civil (avant le 1er octobre 2016) : Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur.

[2] Art. 1221 Code civil (nouveau) : Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.