La guerre commerciale et le risque de récession aux Etats-Unis

En croisade contre les importations, Donald Trump menace de surtaxer l’ensemble des produits chinois entrant aux États-Unis.

Des droits de douane supplémentaires qui frappent des milliards de dollars de produits chinois sont entrés en vigueur début septembre aux Etats-Unis, Donald Trump se montrant déterminé à arracher à Pékin un accord commercial.

Ces droits de douane additionnels de 15 % portent sur une partie des 300 milliards de dollars de biens importés du géant asiatique qui avaient été jusqu’alors épargnés par les précédentes mesures américaines.

Des économistes ont chiffré à 110 milliards de dollars la valeur des biens qui seront soumis à ces nouveaux droits de douane. Ils s’ajoutent aux plus de 250 milliards de dollars de biens chinois qui étaient déjà surtaxés.

Et, d’ici la fin de l’année, la totalité des importations en provenance de Chine (quelques 540 milliards) sera surtaxée avec une dernière hausse prévue le 15 décembre.

Pékin a prévu de rétorquer en augmentant des tarifs douaniers sur 75 milliards de dollars de biens américains en deux temps et aux mêmes échéances.

Cette nouvelle escalade des tarifs douaniers risque d’affecter considérablement la croissance économique chinoise, a prévenu le Fonds monétaire international (FMI). Et au-delà de la Chine, l’économie de la planète, largement soutenue par les échanges commerciaux, risque de se détériorer.

En réalité, les investisseurs le savent bien, cette guerre commerciale est un prétexte. En fait, les Américains veulent faire plier les Chinois, car ils ne veulent pas que la Chine devienne d’ici quelques années la première puissance économique mondiale.

Aux Etats-Unis, la croissance ralentit. La confiance des consommateurs a enregistré en août la plus forte dégradation depuis décembre 2012, selon une enquête de l’université du Michigan. Rappelons qu’aux Etats-Unis, la consommation génère 75 % de la croissance économique.

Une majorité d’économistes prédisent une récession aux Etats-Unis dans les deux ans, même s’ils estiment qu’elle sera retardée grâce aux actions de la Réserve fédérale américaine (Fed).

Sur les 226 économistes interrogés par la National Association for Business Economists (NABE), 38 % pronostiquent une entrée de la première économie mondiale en récession​ en 2020, 34 % en 2021 et 14 % plus tard. En revanche, ils ne sont que 2 % à prédire le début de la récession en 2019.

Les personnes interrogées estiment que l’expansion sera prolongée par le changement de politique monétaire de la Fed, qui a abaissé les taux d’intérêt pour la première fois en onze ans fin juillet d’un quart de point pour les fixer dans la fourchette de 2 % à 2,25 %.

46 % des économistes interrogés s’attendent à au moins une nouvelle baisse des taux par la banque centrale d’ici à la fin de l’année, tandis que 32 % pensent que le loyer de l’argent de la Fed terminera 2019 à son niveau actuel.

Un signal qui inquiète aux États-Unis est apparu le 14 août :  la courbe des taux des emprunts s’est brièvement inversée : le taux d’intérêt pour les prêts à 10 ans est passé en dessous du taux d’intérêt pour les prêts à deux ans, contre toute logique.

Un phénomène qui ne s’était pas produit depuis douze ans qui est interprété comme annonciateur d’une récession dans les mois qui suivent, car il montre que les investisseurs n’ont plus confiance dans l’avenir : ils cherchent la sécurité en souscrivant des bons du trésor à long terme ce qui fait baisser le taux de rendement.

Cette inversion des courbes s’est produite avant chaque crise aux États-Unis depuis 1956. Cela avait encore été le cas en 2008, tout comme en 2000, avant l’éclatement de la bulle Internet.

Ce signal a provoqué une chute des marchés d’actions : à Wall Street, le Dow Jones a encaissé sa plus lourde perte de l’année, -3 % rien que mercredi 14 août, avant de se reprendre un peu le lendemain. Les analystes ont été rassurés par la publication des chiffres sur les ventes de détail, meilleures qu’attendues en juillet.

Le pays vit une période de croissance continue inégalée. Le PIB a encore augmenté de 2,1 % au second trimestre. Le record de durée a d’ailleurs été battu en juillet, avec 121 mois de suite de croissance, soit plus de 10 ans en territoire positif. Or l’économie américaine est habituée à connaître des trous d’air réguliers, ce qui fait que les analystes ne cessent de guetter le prochain.

Les cycles de croissance des États-Unis sont en moyenne de 59 mois depuis 1945, selon les calculs du National Bureau of Economic Research (NBER), soit un peu moins de 5 ans. La plus longue période de croissance était auparavant de 120 mois, entre 1991 et 2001, à l’époque de Bill Clinton, et avant cela de 106 mois, entre 1961 et 1969.

En décidant des baisses d’impôts massives au début de son mandat, Donald Trump a prolongé le cycle de croissance en cours. Alors que l’effet de ces baisses d’impôt s’estompe, il demande désormais avec insistance à la réserve fédérale américaine une baisse des taux d’intérêt. Mercredi 14 août, il s’en est de nouveau pris au président de la Fed, Jerome Powell, estimant qu’il « tire les États-Unis en arrière ».

La réserve fédérale a pourtant baissé les taux d’un quart de point en juillet et devrait poursuivre sur cette voie. Mais ce qui accroît l’inquiétude des analystes est aussi le contexte international. Mercredi 14 août, la croissance allemande a en effet montré des signes de faiblesse avec un recul de l’activité de moins 0,1 % au deuxième trimestre. Le Royaume-Uni, en plein chaos politique pour cause de Brexit, a également connu un trimestre négatif à moins 0,2 %.

Mais il n’y a pas que les économistes qui craignent une récession aux Etats-Unis. Les marchés également.

Les compagnies qui figurent dans l’indice S&P 500 ont connu un deuxième recul trimestriel consécutif en trois ans de leurs bénéfices. Même si Wall Street s’attendait à pire, les analystes anticipent que la tendance baissière se poursuivra pour le trimestre en cours.

Les profits des entreprises ont fortement monté l’année dernière après que le taux d’imposition des entreprises a été réduit de 35 % à 21 %.

Le changement survient dans un contexte où la guerre commerciale grandissante entre Washington et Pékin pèse sur une économie mondiale qui montre déjà des signes d’essoufflement. De plus en plus d’entreprises subissent l’incidence négative des tarifs douaniers et craignent que de nouvelles taxes nuisent à leurs résultats en plus de faire grimper leurs coûts.

Les analystes prévoient que les bénéfices des entreprises diminueront encore de 3 % ou plus au troisième trimestre. Le ralentissement de la croissance économique et les tensions commerciales constituent des risques pour les marchés à surveiller au cours des prochains mois.

On assiste actuellement une déconnexion totale entre l’économie et les marchés et celle- ci peut durer.

Si la FED accélère sa baisse de taux, ou si le Président américain négocie un accord avec la Chine, on pourrait même avoir un « rallye » de fin d’année totalement déconnecté des fondamentaux de l’économie.