Et la France, où en est-elle ?

La probabilité d’un ralentissement de l’économie mondiale est de plus en plus défendue par les économistes. La croissance mondiale décélère depuis l’été et 2019 devrait confirmer cette tendance. Les explications de ce mouvement sont multiples et mises en avant en ordre dispersé selon que l’on observe ces facteurs depuis l’Asie, l’Europe ou les Etats-Unis. Les risques cités le plus souvent sont le protectionnisme commercial, le Brexit, la montée du populisme ou encore l’Italie pour n’énoncer que les plus médiatisés.

La croissance américaine qui se maintient encore à un rythme soutenu fait l’objet d’une attention toute particulière de la part des acteurs économiques qui redoutent les premiers signes de ralentissement.

Dans cet environnement de retournement de cycle, la France, jusqu’au troisième trimestre, semblait résister. Après une accélération de la croissance en 2017, elle reste au-dessus de son rythme potentiel (1,2% à 1,3%). Cependant depuis quelques mois, on assiste à une amorce de diminution du rythme de croissance qui pourrait se confirmer en fin d’année. En outre les perspectives d’un rebond en 2019 sont de plus en plus réduites.

Ainsi on pourrait envisager que la croissance française revienne sur le niveau de croissance potentielle si toutefois on n’assiste pas à un ralentissement mondial plus rapide qu’anticipé qui se traduirait par une forte baisse. Le gouvernement prévoit une croissance de 1,7% en 2019, niveau qui semble aujourd’hui difficile à atteindre.

Cette accélération de la croissance par rapport aux dix dernières années pourrait ne pas perdurer.

Les doutes les plus persistants concernent la consommation des ménages. En France, on constate en effet une réelle faiblesse de la demande résultant en partie d’un excès d’endettement qui conduit les consommateurs à réduire leurs dépenses pour retrouver un équilibre patrimonial.

La politique budgétaire de l’Etat orientée pendant plusieurs années vers l’austérité a accentué ce phénomène de très faible progression de la consommation des ménages. La pression fiscale n’a cessé de croître. Depuis plusieurs années, on observe que les politiques budgétaires des différents gouvernements constituent des freins à la croissance. Ce poids de la fiscalité dans l’économie française (45,4% du PIB) est à relier avec celui de l’Etat dans notre économie (56,4% du PIB en 2017).

Cette spécificité française est avant tout celle du système de protection sociale. La protection sociale à laquelle population et gouvernements successifs sont attachés, a également un impact sur les prélèvements fiscaux. En effet, la part des cotisations sociales est très importante et ce malgré la volonté des pouvoirs publics d’alléger le coût du travail qui constitue un obstacle pour le développement des entreprises.

La hausse des dépenses publiques en pourcentage du PIB n’est pas liée à une dérive mais plutôt à un ralentissement de l’activité résultant de la crise économique. Ce poids des dépenses est augmenté par la dette publique qui est passée en quarante ans de 21% à 97%.

Depuis 1974, tous les budgets présentés par les différents gouvernements ont conduit à l’accumulation des déficits. Il faut bien comprendre que cette structure des dépenses publiques est très spécifique à la France. Notre modèle social mobilise un effort financier de la part de l’Etat et l’expansion démographique à laquelle nous assistons depuis quelques décennies, contrairement à de nombreux pays européens, conduit également à un effort financier de l’Etat toujours plus important dans les domaines de l’Education et du Logement.

Pour revenir aux dépenses sociales, force est de constater que leur augmentation résulte de trois facteurs : les retraites, la santé et le chômage. Cet engagement lourd de l’Etat dans la protection sociale vise entre autres à réduire les inégalités ; le système ayant évolué avec le RSA et la CMU vers un système plus universaliste.

Cette volonté partagée de préserver autant que faire se peut le concept de l’Etat-Providence en France a comme corollaire un poids très lourd de la fiscalité. Les prélèvements obligatoires ne cessent d’augmenter avec un alourdissement plus particulier de la fiscalité des ménages qui atteint un niveau historique (environ 1.700 € par foyer depuis 2010). En revanche, l’objectif actuel du gouvernement se concentre sur la baisse de la fiscalité des entreprises, baisse de l’IS et allègement des cotisations patronales (0% de charges pour les salariés au SMIC).

La diminution du coût du travail est stratégique pour les sociétés exportatrices qui retrouvent ainsi un peu de compétitivité. La relative stabilité de la fiscalité des entreprises au cours des dernières années est nécessaire pour redonner confiance à leurs dirigeants. Cette confiance est déterminante pour les inciter à investir et à augmenter leurs effectifs et par conséquent permettre la réduction du taux de chômage.

On constate, en effet que l’impact de la croissance sur l’emploi est freiné par le comportement des entreprises. Le chômage qui s’est massivement développé en France depuis plus de quarante ans et ce malgré de multiples politiques de relance visant à améliorer l’emploi (allègement des charges, politique de durée du travail, pacte de responsabilité) touche particulièrement les jeunes et les travailleurs peu diplômés. Malgré un climat globalement plus propice aux investissements (augmentation des marges des entreprises, bon niveau de croissance, faible coût du capital) le taux de chômage peine à régresser ce qui crée une réelle fragilité.

La part de l’industrie manufacturière dans le PIB français a baissé de 35% en 1970 à moins de 20% aujourd’hui.

Trois explications peuvent être avancées : le progrès technique, les préférences des consommateurs et le commerce extérieur. Les ménages ont réduit la part des biens manufacturés dans leurs dépenses de consommation depuis quarante ans, au profit des services. La baisse de la part en valeur des biens industriels dans les dépenses des ménages résulte en partie du progrès technique.

Les investissements se sont également concentrés sur les services au détriment de l’industrie.

Le commerce extérieur joue également un rôle dans la désindustrialisation ; la part de nos exportations en biens manufacturés a diminué.

Il semble que ce soit une erreur de vouloir maintenir à tout prix l’ensemble des pans de l’industrie en France, au détriment du développement des secteurs d’activité du futur pour préparer la prochaine révolution industrielle (biotechnologie, nanotechnologie…).

Toutefois cette nouvelle approche du développement industriel doit se traduire par une adaptation du marché du travail.

On constate en effet un manque de qualification des demandeurs d’emploi qui ne fait que s’accroître par rapport à la demande des entreprises. L’effort de formation est stratégique pour le développement de l’industrie française.

L’économie française se situe aujourd’hui dans une phase de transition. Les mesures gouvernementales et les réformes structurelles en cours ont pour objectif de pérenniser un potentiel de croissance à un niveau plus élevé que celui que l’on constate aujourd’hui afin de pouvoir résorber plus facilement le chômage.

Toutefois, ces mesures ont un effet négatif à court terme, affectant le pouvoir d’achat d’une partie de la population. A cela, se rajoute un environnement international plus instable qui pourrait mettre en péril les efforts et les mesures d’assainissement entamés par les pouvoirs publics. La France paraît fragile à l’heure d’un possible retournement de la conjoncture mondiale et les réformes structurelles entamées pourraient ne pas être suffisantes pour absorber les effets d’un tel ralentissement.

En conclusion, à court terme le risque de ralentissement est important. A plus long terme, la politique de réformes engagée par le gouvernement devrait permettre à la France, dans un nouveau cycle de croissance mondiale, d’afficher une croissance plus soutenue, comparable à celle de pays comme l’Allemagne.