1 / Principe d’irrévocabilité… unilatérale ?

Les donations sont avant tout des actes conventionnels, des contrats. En principe toute convention peut être anéantie par l’accord des parties (art. 1193 Code civil).

Toutefois, les donations bénéficient d’une irrévocabilité spéciale (art. 894) et certaines clauses sont prohibées, afin, notamment, de protéger ce principe d’irrévocabilité.

Ce principe concerne toutes les donations, quelles que soit leurs formes. Néanmoins, les donations dites « matrimoniales » ne profitent plus de cette protection dès lors qu’elles ont pour objet des biens futurs (donation entre époux aussi appelée donation au dernier vivant par exemple, révocables librement).

Mais cette possibilité est réservée aux époux, toute donation devant, en dehors de ce cas, porter sur un bien présent.

L’irrévocabilité spéciale limite donc fortement la possibilité de revenir sur une donation, puisque, contrairement aux autres conventions, il n’existe que trois causes de révocation :

La donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause d’inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d’ingratitude, et pour cause de survenance d’enfants (Art. 953 Code civil).

Mais, cette révocabilité « limitée » aux cas énoncés, concerne-t-elle uniquement les révocations unilatérales ?

2 / Qu’en est-il lorsque les deux parties souhaitent la révocation de la donation ? 

Selon le Conseil d’Etat, l’article précité du Code civil ne fait pas obstacle à la révocation par consentement mutuel du donateur et du donataire (CE 19-11-2004 n°249358).

Toutefois, une divergence entre le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation n’est pas à exclure…

Le sujet est difficile à appréhender. Il faut rappeler qu’une donation nécessite du coté du donateur une « intention libérale » et du coté du donataire, une acceptation de la donation. Ce n’est d’ailleurs qu’à compter de cette acceptation, qui peut intervenir plus tard dans un autre acte, que les droits de mutation sont calculés et dus.

Il serait alors intéressant d’étudier la possibilité de revenir sur une donation d’un commun accord en considérant la « rétractation » du donataire sur son acceptation initiale.

Un arrêt de la Cour de Cassation en date du 7 juin 2006 exprime cette possibilité.

Vu les articles 932 et 1075 du code civil ;

Attendu que, selon le second de ces textes, la donation-partage est soumise aux formalités, conditions et règles prescrites pour les donations entre vifs et que, suivant le premier, la donation entre vifs doit être acceptée par acte authentique ;

Attendu que, pour prononcer la nullité de la donation-partage que les époux X… avaient consentie, le 3 novembre 1974, à leurs six enfants, suite à la perte de toute valeur des allotissements de quatre d‘entre eux, l’arrêt retient que donateurs et donataires avaient, par des échanges de lettres, donné leur accord pour cette annulation, cet accord de volonté étant parfait ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la renonciation à une donation doit revêtir la même forme authentique que l’acceptation qu’elle entend rétracter, la cour d’appel a méconnu les exigences des textes susvisés ;

Commentaire : la Cour n’a pas confirmé l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers qui avait prononcé la nullité de la donation, mais uniquement parce que la rétractation des donataires n’avait pas été faite dans les formes, à savoir par acte authentique. Il semblerait donc qu’il soit possible, par acte authentique, de rétracter son acceptation de la donation.

Limite fiscale : fiscalement, cela pourrait être considéré comme une donation en sens inverse, et imposée, limitant l’intérêt de cette démarche d’un point de vue fiscal.

3 / Les atteintes indirectes à l’irrévocabilité des donations 

Certaines donations prévoient des clauses permettant, pour le donateur, de se conserver une certaine marge de manœuvre. Mais cela doit être prévu explicitement.

C’est le cas par exemple des donations dites :

  • Facultatives : La donation a pour objet un bien mais le donateur conserve la faculté de délivrer un autre bien.
  • Alternatives : La donation a pour objet plusieurs biens et le donateur a le choix de délivrer l’un ou l’autre des biens. En d’autre terme, le donateur conserve la possibilité de choisir lequel des biens prévus dans l’acte sera donné.

Sans être prévu par avance cette fois, la donation antérieure, réincorporée dans une donation-partage, permet de modifier dans une certaine mesure la donation initiale :

Le lot de certains gratifiés pourra être formé, en totalité ou en partie, des donations, soit rapportables, soit faites hors part, déjà reçues par eux du disposant, eu égard éventuellement aux emplois et remplois qu’ils auront pu faire dans l’intervalle (Art 1078-1 Code civil). 

Cette possibilité de réincorporation d’une donation antérieure n’impose pas qu’il soit fait donation de nouveaux biens. La donation-partage peut donc porter uniquement sur une donation antérieure avec réattribution des lots entre les codonataires.

D’un point de vue fiscal, le droit de partage sera dû puisque le donation (initiale) et le partage (par la donation-partage) auront été fait dans deux actes séparés.

4 / Autres points : 

Certaines donations prévoient des conditions ou des charges permettant, si elles ne sont pas respectées, de révoquer la donation. Mais ici, la volonté du donateur est sans effet.

C’est le cas lorsque la donation prévoit une condition suspensive ou résolutoire, tant qu’elle n’est pas potestatives (Toute donation entre vifs faite sous des conditions dont l’exécution dépend de la seule volonté du donateur est nulle – Art. 944 Code civil).

Selon l’article 956 du Code civil,  La révocation pour cause d’inexécution des conditions, ou pour cause d’ingratitude, n’aura jamais lieu de plein droit.

Mais la Cour de cassation dans un arrêt du  25 septembre 2013 N° 12-13747 a indiqué qu’il est loisible aux parties de déroger aux dispositions [de l’art. 956] en stipulant, dans l’acte de donation, que la révocation aura lieu de plein droit par le seul fait de l’inexécution des conditions.

Enfin, et dans une certaine mesure, le droit de retour conventionnel prévu à l’article 951 du Code civil permet, en cas de prédécès du donataire et /ou de ses descendants, de retrouver le bien donné. Mais nous sortons du cadre de notre article, qui vise à revenir totalement ou partiellement sur une donation du vivant du donataire.