La notion de prépondérance immobilière permet, lorsqu’elle est reconnue, de profiter de régimes fiscaux propres, ou d’appliquer une fiscalité particulière. Par exemple, la cession de parts sociales pourrait alors être soumise au régime des plus-values immobilières, avec un abattement pour durée de détention, voire une exonération, en lieu et place du régime des plus-values de valeur mobilières.
Cependant, cette notion connait plusieurs définitions, variables selon les situations et le régime fiscal pris en considération.
Un petit tour d’horizon permet de faire quelques rappels.
1 / La cession de parts sociales de sociétés
Article 150 UB du CGI : application du régime des plus-values immobilières des particuliers à la cession des titres de sociétés imposées à l’IR (Art. 8 CGI : SNC, SCS, Société civile, SEP, SARL de famille, SARL à associé unique personne physique (EURL), EARL, et les société de capitaux ayant opté pendant 5 ans pour l’IR. Art. 8 bis CGI : Société immobilière de copropriété. Art. 8 ter CGI : SCP)
La prépondérance se calcule en prenant en compte l’actif immobilier (immeubles, droits immobiliers, parts de sociétés elles-mêmes à prépondérance immobilière), non affecté à l’exploitation, et hors crédit bail (1), pour sa valeur réelle. Ce ou ces actifs immobiliers doivent représenter plus de 50% de la totalité de l’actif à sa valeur réelle.
A cela s’ajoute un principe d’appréciation sur trois exercice :
Si le rapport excède 50 % à la clôture des trois exercices qui précèdent celui au cours duquel intervient la cession, la société est à prépondérance immobilière et la plus-value relève du régime des plus-values immobilières des particuliers.
Si le rapport n’excède pas 50 % au titre de l’un de ces trois exercices, la cession est soumise au régime des plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux.
Le rapport existant à la date de cession des titres est sans incidence sur le régime d’imposition applicable.
Si la société dont les droits sociaux sont cédés n’a pas encore clos son troisième exercice, la composition de l’actif est appréciée à la clôture du ou des seuls exercices clos ou, à défaut, à la date de la cession.
2 / Les provisions pour dépréciation de titres de participation de sociétés à prépondérance immobilière
Sans rentrer dans les détails, la provision comptable en cas de dépréciation sur de tels titres de participation sera plafonnée pour la déduction du résultat fiscal.
Ici, la notion de prépondérance s’applique aux sociétés soumises à l’IS, ou à l’IR (BIC ou BA uniquement).
De plus, la notion de prépondérance est cette fois définie à l’article 219 I a lexies-0 bis : Sont considérées comme des sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont l’actif est, à la date de la cession de ces titres ou a été à la clôture du dernier exercice précédant cette cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles, des droits portant sur des immeubles, des droits afférents à un contrat de crédit-bail conclu dans les conditions prévues au 2 de l’article L. 313-7 du code monétaire et financier ou par des titres d’autres sociétés à prépondérance immobilière. Pour l’application de ces dispositions, ne sont pas pris en considération les immeubles ou les droits mentionnés à la phrase précédente lorsque ces biens ou droits sont affectés par l’entreprise à sa propre exploitation industrielle, commerciale ou agricole ou à l’exercice d’une profession non commerciale.
Comparativement à la définition de la prépondérance immobilière prévue pour l’application du régime des plus-values immobilières à la cession de droits sociaux, il existe certaines différences.
En effet, ici, il n’existe pas de principe d’appréciation sur trois exercices, ni d’exclusion du crédit-bail immobilier. Au contraire, ce dernier est pris en compte y compris s’il n’est pas inscrit à l’actif (voir ci-dessous).
3 / Plus-values de cession (par une société IS) de titres de participation de sociétés à prépondérance immobilière
Ces titres de participation sont soumis à une imposition différente selon que la société à prépondérance immobilière est cotée (taux fixe de 19%, régime des PV à long terme), ou non coté (taux normal d’IS directement taxable dans le résultat).
Mais, dans les deux cas, ces titres de participation ne profitent donc pas du régime avantageux et bien connu d’exonération de la plus-value à long terme, sauf quote-part pour frais et charges de 12%.
Comme pour le cas précédent, la notion de prépondérance est définie par l’article 219 I a lexies-0 bis. Il n’existe pas de principe d’appréciation sur trois exercices, ni d’exclusion du crédit-bail immobilier.
En ce qui concerne le crédit-bail, une réponse ministérielle a apporté la précision suivante : La loi ne précise pas que les droits afférents à des contrats de crédit-bail à prendre en compte pour l’appréciation de la prépondérance immobilière sont les seuls droits inscrits à l’actif du bilan comptable. Par conséquent, il convient de retenir tous les droits résultant, pour l’entreprise crédit-preneuse, d’un contrat de crédit-bail, y compris lorsque ces droits n’ont pas fait l’objet d’une acquisition auprès d’un tiers et ne figurent donc pas parmi l’actif immobilisé. (RM Masson n° 07770, JO Sénat du 31 octobre 2013, p. 3153 ; RM Zimmermann n° 27573, JO AN du 26 novembre 2013, p. 12365)
4 / Droit d’enregistrement sur cession de parts sociales
Le taux de droit d’enregistrement est de 5% lorsque la société est dite à prépondérance immobilière (IR ou IS).
Art. 726 I 2° du CGI : Est à prépondérance immobilière la personne morale (…) dont l’actif est, ou a été au cours de l’année précédant la cession des participations en cause, principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés en France ou de participations dans des personnes morales (…) elles-mêmes à prépondérance immobilière.
Cette définition semble pour le moins soit imprécise, soit très large. Cette dernière analyse semble retenue et, dès lors, tout bien immobilier détenu par la société doit être pris en compte, même lorsqu’il est affecté à sa propre exploitation (2). Il y a ici une différence avec les définitions précédentes.
5 / Taxe de 3% de l’article 990 D du CGI (Taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des entités juridiques)
Cette taxe de portée assez large est en réalité faiblement mise en oeuvre eu égard aux nombreuses exonérations prévues par la loi. Nous pouvons toutefois relever le point suivant :
Art. 990 E du CGI : La taxe prévue à l’article 990 D n’est pas applicable :
2° Aux entités juridiques : personnes morales, organismes, fiducies ou institutions comparables :
a – Dont les actifs immobiliers, au sens de l’article 990 D, situés en France, représentent moins de 50 % des actifs français détenus directement ou par l’intermédiaire d’une ou plusieurs entités juridiques. Pour l’application de cette disposition, ne sont pas inclus dans les actifs immobiliers les actifs détenus directement ou indirectement que les entités juridiques définies à l’article 990 D ou les entités juridiques interposées affectent directement ou indirectement à leur activité professionnelle autre qu’immobilière ou à celle d’une entité juridique avec laquelle elles ont un lien de dépendance au sens du 12 de l’article 39 ;
Il ressort de cet article que la notion de prépondérance immobilière implique que l’immobilier situé en France représente plus de 50% des actifs français, et que, ne doit pas être pris en compte, l’immobilier affecté à l’activité professionnelle autre qu’immobilière.
6 / Le régime fiscal DUTREIL (transmission)
L’applicabilité de ce dispositif fiscal (Art. 787 B et C du CGI) repose, notamment, sur l’appréciation de la prépondérance d’une (ou plusieurs) activité dite éligible. Cette prépondérance s’apprécie en prenant en compte un double critère. L’activité doit représenter plus de 50% de l’actif brut immobilisé, et 50% du chiffre d’affaires (Lien Bofip n°20)
Ici, il est donc possible de considérer que, par exemple*, la prépondérance de l’immobilier à l’actif brut immobilisé (>50%), ou la prépondérance du chiffre d’affaires procuré par ce (ou ces) bien ou droit immobilier (> 50%), hors immobilier affecté à l’exploitation éligible, pourrait rendre ce dispositif inapplicable.
*La prépondérance de tout autre actif non éligible, qui impliquerait le non respect du double critère de prépondérance de l’activité éligible, aurait la même conséquence. Il ne s’agit en aucun cas d’une problématique liée exclusivement à la notion de prépondérance immobilière. Par analogie et pour illustrer cet article, a été pris en compte le cas d’un immobilier non affecté.
7 / L’IFI
La notion de prépondérance immobilière n’est pas, en tant que telle, utilisée pour cet impôt, dans la mesure ou, sauf exception, sera imposable, pour l’associé, toute quote-part immobilière détenue dans une société et non affecté à l’exploitation.
Toutefois, il existe une exonération en faveur des contribuables détenant une faible partie du capital d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (maximum 10% du capital et des droits de vote).
Or, pour que l’exonération s’applique, la société doit avoir une activité significativement prépondérante.
Le caractère significativement prépondérant de l’activité éligible s’apprécie au regard de la valeur des éléments de l’actif immobilisé et du chiffre d’affaires réalisé.
Il est admis que l’activité éligible est significativement prépondérante lorsque la valeur vénale réelle des actifs qui sont affectés à cette activité et le chiffre d’affaires afférent à cette activité représentent au moins 80 % de la valeur vénale de l’ensemble des éléments de l’actif et respectivement du chiffre d’affaires total.
Considérons alors par exemple que la société détienne des biens immobiliers non affectés à l’exploitation et n’entant pas dans ce qui serait considéré comme une activité éligible. Si ces biens immobiliers représentent plus de 20% de la valeur vénale de l’actif ou du chiffre d’affaire, la « prépondérance » de cet immobilier non affecté à l’exploitation aura pour conséquence de rendre imposable le contribuable détenant moins de 10% du capital et des droits de vote.
(1) Les droits détenus dans le cadre d’un contrat de crédit-bail immobilier par la société constituent, tant qu’elle n’acquiert pas la propriété de l’immeuble, des droits de nature mobilière. Ils ne sont donc pas à prendre en compte au numérateur pour l’appréciation de la prépondérance immobilière. Lien bofip (n° 60)
(2) FL Mémento fiscal 2018 n°67145.