L’investissement immobilier est une préoccupation pour beaucoup de personnes. En effet il permet d’investir dans des actifs tangibles, procurant des revenus réguliers et le cas échéant en utilisant l’endettement bancaire, ce que l’on appelle l’effet de levier de la dette.
La première question à se poser est : quel est l’objectif recherché ? Est-ce obtenir des revenus complémentaires immédiatement ? Ou est-ce créer un enrichissement à 15/20 ans qui permettra à terme d’obtenir des revenus complémentaires ? En fonction de l’objectif recherché, le recours à l’emprunt, notamment, sera ou non pertinent. Une réponse hybride est possible, par exemple vous souhaitez créer de l’enrichissement à terme, tout en ayant un léger flux de trésorerie net pour augmenter immédiatement votre train de vie ou compenser une perte de revenus. Dans ce cas, le niveau d’endettement (LTV) devra être soigneusement étudié.
Le débat le plus connu consiste à savoir s’il faut ou non investir par le biais d’une société civile immobilière. Le second débat le plus connu consiste à savoir s’il faut investir et être soumis à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur les revenus (en revenus fonciers ou en bénéfice industriel et commercial BIC).
Sur ces deux points nous constatons que malheureusement les arguments utilisés sont soit incorrects soit imprécis compte tenu de la situation réelle. Les règles sont bien trop complexes pour pouvoir apporter une réponse évidente en se limitant à comparer sur un plan théorique les principales règles applicables.
Seul un simulateur complet et précis permettra d’obtenir des données à comparer, seul moyen pertinent pour sortir de la théorie et des préjugés qui vont avec. Or, clairement il ne suffit pas de faire un tableur Excel loyers – quelques charges – impôts ! C’est pourtant très courant, même en ayant recours à un professionnel.
Un certain nombre d’acteurs sur internet ou ailleurs parlent parfois de « holding » ou de « revenu garanti ».
Que ce soit clair, le terme « holding » n’a dans 90% des cas qu’un intérêt marketing en faisant croire aux non-initiés qu’ils mettent le doigt sur une solution miracle réservée aux avertis ou aux patrimoines importants (avoir une holding ça fait bien… au comptoir du café du commerce).
Quant aux « revenus garantis » (ou « sécurisés »), il s’agit ni plus ni moins que d’un argument de vente qui non seulement est faux, mais qui en plus est dangereux. Le revenu garanti en immobilier n’existe pas. Le fait de louer au travers d’un bail commercial à une société qui se chargera ensuite d’exploiter vos biens (résidence avec services, Ehpad, résidence étudiante etc.*) n’a rien de rassurant. Le sous-entendu selon lequel « que le bien soit ou non loué, le loyer vous est versé, car il est versé par l’entreprise et non par le locataire final directement » signifie deux choses : le risque pris est supérieur (car s’ajoute au risque propre à l’immobilier, le risque conjoncturel sur l’entreprise exploitante), et votre rendement est plus faible. Plus de risque, moins de rendement, mais un revenu garanti ?
La réalité en pratique est beaucoup moins flatteuse. On ne compte plus les cas où les sociétés locataires et exploitantes de vos biens renégocient à la baisse par la suite le montant du loyer prévu initialement au bail. Le bien étant dans une résidence avec services il est quasiment impossible de gérer le bien soi-même. N’ayant pas le choix, les propriétaires acceptent une baisse du loyer initialement prévu. Pire, certains exploitants ne payent plus les loyers, ou avec un retard considérable. Il est alors très difficile de se sortir de cette situation.
Votre investissement devient peu rentable, le couple rendement/risque totalement inefficient, et le bien sera difficilement revendable pour deux raisons : la première est que tous les copropriétaires, généralement des investisseurs qui ont été séduits par le même investissement, souhaiteront revendre leur bien en même temps, créant ainsi un surplus d’offres in situ comparé à la demande ce qui fait baisser les prix et surtout parait douteux pour un potentiel acquéreur. Et la seconde est que l’historique de paiement des loyers pourra démontrer une absence de régularité, une renégociation à la baisse, voire des impayés. Ce type de biens se vend sur une rentabilité. Si cette dernière est faible, le prix de vente sera faible. Voilà comment faire une moins-value où comment faire fuir le potentiel acquéreur.
Le seul gagnant dans l’histoire est le conseil qui touche sa commission en faisant prendre le risque …à son client.
Ces points étant précisés, la question est donc de savoir comment bien structurer un investissement immobilier ?
Le meilleur moyen d’investir dans l’immobilier est d’investir dans des biens que l’on connait, que l’on peut visiter, sur un marché que l’on comprend, en maîtrisant l’emplacement ainsi que le risque pris.
Mais la structuration juridique et fiscale qui entoure la réalisation de l’investissement n’est pas à prendre à la légère. Une mauvaise structuration juridique et fiscale peu impliquer de nombreuses déconvenues économiques rendant l’opération moins rentable où même pas du tout rentable comparé au risque pris.
L’investissement le plus simple est celui réalisé en direct, c’est-à-dire sans société, avec un bail nu classique, et qui sera imposable dans la catégorie des revenus fonciers.
Or force est de constater que c’est généralement le chemin le moins pertinent.
Certes, il est possible alors d’utiliser certains régimes fiscaux permettant de réduire son imposition, mais ces cas sont d’autant plus dangereux qu’ils sont généralement packagés pour faire croire à l’investissement miracle.
La réalité malheureusement est bien souvent que les frais des intermédiaires et conseils, sans parler des exigences fiscales diverses, rendent l’opération au mieux économiquement neutre (pas de gain réel en 10 ans comparé à un investissement mieux structuré) voire déficitaire (perte d’argent même en prenant en compte l’économie d’impôt). Pour ce type d’investissement le principe à respecter est le suivant : ne jamais investir pour « acheter » une réduction d’impôt. Vous aurez 90% de chance de perdre plus que ce que vous gagnerez.
Ces principes valent également pour les dispositifs dit d’investissement LMNP (attention à la confusion*).
Les dispositifs de défiscalisation ne doivent pas faire oublier à l’investisseur un principe de base : il s’agit avant tout d’un investissement immobilier, et une simulation axée principalement sur le « gain fiscal » est une mauvaise simulation.
Les règles applicables et les possibilités de structuration offertes sont nombreuses mais surtout complexes.
On remarque en pratique qu’il est nécessaire :
- De maîtriser l’ensemble des règles juridiques, fiscales, mais aussi comptables des différents schémas d’investissement
- De ne pas oublier les règles sociales (oui, on peut payer des charges sociales en investissant dans l’immobilier)
- D’être en capacité de réaliser une simulation précise prenant en compte tous les paramètres et sur une durée significative. On observe en effet que bien souvent la théorie, qui pourrait faire pencher la balance vers une solution plutôt qu’une autre, est différente de la pratique. Des simulations précises montrent qu’en réalité la conclusion à tirer est sensiblement différente de ce qu’on l’on aurait pu croire en se bornant à comparer les règles fiscales des différentes possibilités existantes.
- De maîtriser le marché sur lequel on investit : la location meublée même non saisonnière est un marché sensiblement différent de la location nue par exemple.
(Un exemple d’article à lire pour aller plus loin : SARL de famille et location meublée)
Notons également que l’investissement dans une société à l’impôt sur les sociétés ne se résume pas à « payer moins de fiscalité sur les flux (taux d’impôt sur les sociétés plus faible), mais payer une forte plus-value à la revente car les amortissements sont repris ».
Ce genre de discours incite à la prudence. D’une part la réalité n’est pas aussi « binaire », d’autre part il y a bien d’autres considérations connexes à prendre en compte.
Vous l’aurez compris, récapituler l’ensemble des règles est complexe et nécessiterait un article extrêmement long. Sans parler du fait que chaque cas est différent, car tout investissement doit être réfléchi et structuré en ayant en tête un certain nombre de paramètres notamment familiaux. La protection des proches et l’anticipation de la transmission du patrimoine sont en effet des points importants que la structuration de l’investissement peut prendre en compte, faisant ainsi « d’une pierre deux coups ».
Un projet bien étudié et documenté est par ailleurs un moyen pertinent de rassurer un banquier qui financera l’opération plus facilement, permettant ainsi de profiter d’un effet de levier (dans le cas où cela serait pertinent).
Nous terminerons avec un autre sujet : le taux de rentabilité interne ou « TRI ». Ce terme est utilisé à outrance pour justifier de la pertinence d’un investissement.
Nous constatons très régulièrement que, si la plupart des conseils indiquent un TRI (encore que les flux pris en compte pour son calcul impliqueraient une simulation précise…), la plupart ne savent pas pour autant expliquer ce que le TRI veut réellement dire. Or, le TRI ne signifie pas grand-chose sans le mettre en perspective avec au moins deux autres notions : la VAN (ou valeur actuelle nette, ce qui correspond à l’enrichissement généré) et le risque (la VAN et le TRI permettent, ensemble, de donner un indicateur de rentabilité en « situant » l’investissement par rapport à un marché ayant un couple rendement/risque comparable). De plus en fonction de l’objectif recherché, le TRI n’est pas forcément l’indicateur adéquat. Un investissement réalisé pour produire des revenus complémentaires immédiats doit avant tout indiquer le taux de rendement des flux. Or, il ne faut pas confondre le TRI et le rendement annuel sur les flux.
Pour terminer sur ce point il est essentiel de prendre en compte des indicateurs adaptés et contextualisés. La VAN est un indicateur important, voire préférable, et pourtant rarement présenté. Mais il est plus complexe de comprendre pourquoi la VAN actualisée au taux du TRI est nulle, et quel est le rapport avec le risque correspondant à l’investissement envisagé…
Quelques conseils à retenir :
- Attention aux produits packagés portant sur un projet immobilier : il est nécessaire de maîtriser avant tout l’investissement immobilier (emplacement, rentabilité nette de l’opération, mesure du risque etc.) ;
- Ne jamais « acheter » une réduction d’impôt : l’investissement immobilier sous-jacent doit être lui-même économiquement intéressant et rentable. La réduction d’impôt doit être un bonus supplémentaire ! et non un gain compensant un placement non rentable qui n’aurait pas été réalisé sans cette réduction d’impôt ;
- Exiger une transparence totale des coûts directs et indirects perçus par le conseiller ;
- Se méfier des simulations trop simplifiées mettant en avant principalement le gain fiscal et le TRI de l’opération ;
- Exiger une comparaison chiffrée avec, pour un même montant d’apport, un investissement structuré différemment (société à l’impôt sur les sociétés, SARL de famille, LMNP*, LMP, etc.).
Un bon investissement immobilier est un investissement que l’on comprend, qui est économiquement cohérent, avec un couple rendement/risque pertinent, et une structuration juridique, fiscale et comptable adaptée. Ce n’est pas un TRI donné à la volée et une réduction d’impôt.
Nous sommes là pour accompagner nos clients dans la structuration de leurs investissements, et pour les aider à trouver et sélectionner les biens qui seront acquis.
* Attention, ne pas confondre :
- La location en meublée qui peut être non professionnelle (LMNP) ou professionnelle (LMP) et qui n’est qu’une location traditionnelle, directement avec son locataire particulier, d’un bien déjà meublé ;
- et certains investissements appelés investissements LMNP qui sont en fait des produits (par exemple : résidences étudiantes ou séniors avec services), proposant généralement une réduction d’impôt (Censi-Bouvard), et que nous déconseillons. Cela peut créer une très grande confusion du régime fiscal et du type d’investissement réalisé. D’autant qu’ils sont souvent vendus avec l’idée dangereuse d’un loyer « garanti » !
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Est-il préférable d’acheter comptant sa résidence principale ? ou d’emprunter et de placer les sommes restées disponibles ? - Octave · 28 décembre 2020 at 10 h 28 min
[…] avons évoqué dans notre article « investir dans l’immobilier » les réserves émises concernant l’utilisation abusive du taux de rentabilité interne d’une […]
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