Le régime fiscal Dutreil (transmission) permet une exonération partielle à hauteur de 75% pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit (décès, donation). Ce régime concerne la transmission des sociétés d’exploitation et holding animatrices, détenues en direct ou par l’intermédiaire d’une (ou plusieurs) société dite interposée (Art. 787 B du CGI), dans la limite de deux niveaux d’interposition.
Certaines conditions particulières seront à respecter et notamment prendre un engagement collectif de conservation des titres par les associés. Cet engagement dit « collectif » implique donc l’existence d’au moins deux associés différents.
Les entreprises individuelles peuvent également profiter de ce régime fiscal par le biais d’une autre disposition légale (Art. 787 C du CGI). Il n’existe ici pas d’engagement collectif étant donné le caractère individuel de ce mode d’exploitation. D’autres conditions propres à ce dispositif sont à respecter.
Les sociétés unipersonnelles quant à elles n’étaient, jusqu’en 2012, pas visées par ces deux textes et donc exclues de ce dispositif (sauf l’EURL depuis 2001).
Depuis une instruction administrative (7 G-3-12), l’administration a élargi l’application de ces dispositifs aux sociétés unipersonnelles :
Les entreprises à associé unique (EURL, EARL, SASU, etc.) sont assimilées aux entreprises individuelles lorsque les dispositions relatives à l’engagement réputé acquis ne leur sont pas applicables (notamment lorsque les parts ou actions sont détenues depuis moins de deux ans). Elles doivent en conséquence répondre aux mêmes conditions.
Ce paragraphe suppose donc à sa lecture deux cas de figure :
A / CAS 1 : Application du régime des sociétés pluripersonnelles si le dispositif de l’engagement collectif réputé acquis est possible
Les sociétés unipersonnelles sont potentiellement assimilées à des sociétés pluripersonnelles (et doivent donc respecter les conditions propres à celles-ci : art. 787 B) dans le cas ou le dispositif de l’engagement collectif réputé acquis est applicable.
Les conditions de l’engagement collectif réputé acquis sont (en plus des conditions générales propres au Dutreil) :
- Détention directe (pas de société interposée)
- Détention des titres depuis plus de 2 ans
- Détention par l’associé (seul ou avec son conjoint ou partenaire de PACS) d’au moins 20% (société cotée) ou 34 % (société non cotée) des droits de votes et des droits financiers et ce depuis au moins 2 ans
- Exercice d’une fonction de direction depuis au moins 2 ans
L’engagement collectif de conservation est réputé acquis lorsque les parts ou actions détenues depuis deux ans au moins par une personne physique seule ou avec son conjoint ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité atteignent les seuils prévus au premier alinéa (20% ou 34% si non cotée), sous réserve que cette personne ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité exerce depuis plus de deux ans au moins dans la société concernée son activité professionnelle principale ou l’une des fonctions énumérées au 1° du 1 du III de l’article 975 lorsque la société est soumise à l’impôt sur les sociétés.
B / CAS 2 : A défaut, application du régime des entreprises individuelles aux sociétés unipersonnelles
Les sociétés unipersonnelles sont à défaut potentiellement assimilées à des entreprises individuelles (et doivent donc respecter les conditions propres à celles-ci : art. 787 C), dans le cas où le dispositif d’engagement collectif réputé acquis n’est pas applicable.
Les conditions de l’application de l’article 787 C concernant les entreprises individuelles s’appliqueront alors aux sociétés unipersonnelles.
Les conditions sont les suivantes :
a. L’entreprise individuelle (…) a été détenue depuis plus de deux ans par le défunt ou le donateur lorsqu’elle a été acquise à titre onéreux ;
Cette première condition est transposable sans difficulté aux sociétés unipersonnelles. Attention : en cas d’acquisition onéreuse de la société unipersonnelle depuis moins de 2 ans, ni le dispositif des entreprises individuelles, ni l’engagement réputé acquis, ni l’engagement post-mortem ne pourra s’appliquer.
b. Chacun des héritiers, donataires ou légataires prend l’engagement dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver l’ensemble des biens affectés à l’exploitation de l’entreprise pendant une durée de quatre ans à compter de la date de la transmission.
Cette seconde condition pose plus de difficultés et aucune réponse ne semble connue, ni dans la doctrine administrative, ni dans la jurisprudence. Cet engagement de conservation individuel doit-il porter sur 100% des titres de la société ? Une partie seulement ? Cela implique-t-il pour la société de conserver l’actif d’exploitation ?
A première vue, il serait sécurisé de prévoir que chaque héritier ou donataire s’engage à conserver tous les titres qu’il reçoit, et que la société ne se sépare d’aucun élément d’actif affecté à l’exploitation.
c. L’un des héritiers, donataires ou légataires mentionnés au b poursuit effectivement pendant les trois années qui suivent la date de la transmission l’exploitation de l’entreprise.
Cette troisième condition implique qu’au moins un des bénéficiaires de la transmission soit nommé dirigeant de la société. Toutefois, ici, le donateur ne pourra pas continuer à assurer cette fonction.
C / Conclusion sur le régime fiscal Dutreil :
Les champ d’application des articles 787 B et 787 C permettent donc potentiellement à la majorité des transmissions gratuites d’entreprises de pouvoir bénéficier de cette exonération partielle (sous réserve du respect des conditions prévues par la loi) puisque sont pris en compte :
- Les entreprises individuelles (787 C)
- Les sociétés pluripersonnelles (787 B)
- Les sociétés unipersonnelles (787 B ou C)
- Les holding animatrices (787 B ou C)
- Les sociétés d’exploitation ou holding animatrices pluripersonnelles détenues au travers de sociétés dites « interposées » (holding passives ou pures) : 1 niveau d’interposition (787 B)
- Les sociétés d’exploitation ou holding animatrices pluripersonnelles détenues au travers de sociétés dites « interposées » elles-mêmes détenues au travers de sociétés dites « interposées » : 2 niveaux d’interposition (787 B)
De plus, dans tous les cas (sauf entreprises individuelles, et sous respect des conditions prévues par la loi) l’engagement collectif de conservation peut avoir été prévu avant toute transmission, ou, être conclu après le décès (post-mortem), ou encore être « réputé acquis » même s’il n’avait pas été mis en place (1).
Malgré tout, certains cas demeurent donc exclus de ces dispositifs Dutreil, il s’agit des cas suivants :
- Les cas où il existe une société interposée pour laquelle aucun engagement collectif n’a été mis en place, et où les héritiers n’auront pas pu/n’auront pas pensé à prendre un engagement collectif post-mortem.
- Les cas où il existe plus de deux niveaux d’interposition (holding passives/pures) entre le contribuable et la société d’exploitation/holding animatrice
- Les cas des sociétés unipersonnelles détenues depuis moins de 2 ans et acquises à titre onéreux (pas de réputé acquis qui nécessite 2 ans de détention, pas d’application du régime des entreprises individuelles qui nécessitent une détention depuis plus de 2 ans si elle a été acquise à titre onéreux, pas de post-mortem inapplicable à ces sociétés)
- Les sociétés unipersonnelles détenues directement au travers d’une société interposée
(1) Pour rappel :
- Engagement réputé acquis : pas de société interposée, car nécessité d’une détention des titres de la société d’exploitation (ou holding animatrice) par une personne physique.
- Engagement post-mortem : pas de société unipersonnelle, les textes ne renvoyant qu’au dispositif du réputé acquis.
Bibliographie : Les Pactes Dutreil – Jean François DESBUQUOIS