L’activité de marchand de biens : 1ère partie
Ce dossier technique s’articule autour de 2 parties. La 2ème partie a été publiée dans le dossier du mois suivant (novembre 2019).
L’activité de marchand de biens consiste en l’acquisition de biens ou droits immobiliers, en vue de leur revente. Il peut s’agir d’immeubles, ou de terrains, constructibles ou non. Il peut également s’agir de parts de sociétés immobilières. La réalisation de travaux dans l’immeuble acquis n’est pas une condition nécessaire, ni suffisante, à l’activité de marchand de bien. La revente constitue un élément primordial puisque l’absence de revente engendre certaines conséquences fiscales.
Le bien ou droit immobilier acquis doit donc transiter obligatoirement par le patrimoine du marchand de biens, qu’il exerce son activité « en direct » ou au travers d’une structure sociale (SAS, SARL etc.). A noter ici une particularité importante : l’immeuble acquis en vue de sa revente n’est pas inscrit comptablement en immobilisation mais en stock.
L’activité de marchand de bien n’est pas réglementée. Il n’est pas nécessaire d’obtenir une carte « T » délivrée par la chambre de commerce et impliquant le respect d’une réglementation importante, et notamment des quotas d’heures de formations obligatoires. Toutefois, cette activité implique la souscription de diverses assurances (responsabilité professionnelle etc.).
Nous aborderons l’activité de marchand de biens sous trois angles : les droits d’enregistrements (droits de mutation à titre onéreux ou DMTO) payés à l’acquisition d’un bien immobilier, le régime fiscal des bénéfices générés par l’activité de marchand de biens et, dans un second article à venir, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
De prime abord, il convient d’éclaircir quelques points :
1 – le marchand de bien ne répond pas à un régime fiscal unique propre à son statut, comme nous le verrons.
2 – le marchand de bien est obligatoirement assujetti à la TVA (attention à ce terme, être assujetti ne veut pas dire pour autant qu’il est toujours redevable de cette taxe, et s’il l’est, il peut ne pas « agir en tant que tel », tout dépend des circonstances).
3 – un particulier qui vend un bien de nature immobilière n’est jamais soumis à la TVA[1].
4 – il est important de maîtriser la notion « d’immeuble neuf » qui n’est pas si évidente qu’il y parait, nous y reviendrons.
5 – Le marchand de bien peut louer le bien acquis en attendant sa revente (voire même ne jamais le revendre), sous réserve des conséquences éventuelles (régularisations fiscales) dans certains cas.
I / Les droits de mutations : l’acquisition
Comme toute acquisition d’un bien immobilier, le marchand de biens doit acquitter des droits d’enregistrement. Ainsi, l’acquisition implique le paiement par l’acquéreur d’un droit de 5,09%[2] (5% pour l’acquisition de parts de société à prépondérance immobilière[3]).
Comme tout acquéreur, il peut bénéficier de droits réduits lors de l’acquisition :
- De terrains à bâtir, pour l’acquisition réalisée auprès d’un assujetti à la TVA, lorsque la vente est soumises à la TVA sur le prix total[4]
- D’immeubles bâtis achevés depuis 5 ans au plus, pour l’acquisition réalisée auprès d’un assujetti quel que soit le nombre de mutations de cette nature qui interviennent dans cette période
En effet dans ces deux cas, les droits de mutation sont de 0,715%[5].
Toutefois, le marchand de bien (ou tout autre assujetti) a la possibilité de prendre certains engagements permettant de payer moins de droits d’enregistrement à l’acquisition, notamment dans les cas où le taux normalement applicable est de 5,09% :
- Prendre un engagement de revendre dans les 5 ans de l’acquisition : dans ce cas, l’article 1115 du CGI prévoit une exonération. Seule la taxe de publicité foncière sera due (0,715%).
- Prendre l’engagement d’effectuer dans un délai de quatre ans les travaux conduisant à la production d’un immeuble neuf, ou nécessaires pour terminer un immeuble inachevé. Dans ce cas, l’article 1594-0 G du CGI prévoit une exonération des droits d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière[6]. Seul un droit fixe de 125 € sera dû.
Il faut avoir en tête que ces règles sont susceptibles de s’appliquer ensuite au profit du « client » du marchand de bien. En effet, le bien sera revendu par le marchand de bien et l’acquéreur final pourra, selon les cas, profiter ou non d’un taux réduit ou d’une exonération. Il convient donc d’avoir en tête lors de la réalisation d’une opération de marchand de bien, des conséquences fiscales potentielles pour l’acquéreur final. Selon les situations, il peut être préférable de faire certains choix plutôt que d’autres lors de la mise en œuvre de l’opération… En effet, qu’il s’agisse des frais d’acquisition ou de la TVA, cela peut avoir un impact sur l’économie de l’opération (un prix supérieur à la valeur marché et donc moins intéressant pour l’acheteur et/ou une marge rognée pour le marchand de biens).
Remise en cause : si le délai de revente indiqué n’est pas respecté, une régularisation devra avoir lieu (régularisation des droits d’enregistrement dus en l’absence d’engagement avec intérêts de retard).
-> cela peut notamment être le cas lorsque le bien sur lequel il a été pris un engagement de revendre dans les 5 ans est mis en location par le marchand de bien dans l’attente de sa revente et que cette dernière intervient postérieurement au délai de 5 ans éventuellement prolongé[7].
II / Comptabilité et fiscalité
Comme nous l’avons précisé au début de cet article, l’immeuble acquis est inscrit en stock et non en immobilisation, à moins que son affectation n’en soit modifiée et que l’immeuble soit finalement conservé, avec ce que cela implique en termes de droit de mutation et de TVA.
En conséquence du fait que l’immeuble est inscrit en stock :
- L’immeuble ne peut être amorti
- La cession de l’immeuble ne peut donner lieu à l’application du taux réduit des plus-values à long-terme
- S’il s’agit de titres sociaux, ils ne sont pas considérés comme des titres de participation et leur cession ne peut donc pas profiter du régime de quasi-exonération des plus-values sauf quote-part pour frais et charge de 12%. De plus, le régime fiscal mère-fille ne peut s’appliquer.
Les bénéfices réalisés (HT) par le marchand de biens sont imposables en tant que BIC en cas d’exercice en entreprise individuelle ou en société semi-transparente. Ils sont imposables à l’impôt sur les sociétés dans le cas d’une société soumise à cet impôt.
La mise en location temporaire est également soumise aux BIC ou à l’IS selon les cas, mais pas aux revenus fonciers en cas d’imposition à l’impôt sur les revenus de l’activité (du moins, tant que le bien n’est pas affecté durablement à la location nue).
La 2ème partie, à lire dans le prochain dossier du mois (novembre 2019) abordera de manière précise les aspects relatifs à la TVA.
Nous avons vu dans cette 1ère partie que le marchand de biens est soumis à diverses règles fiscales, souvent dépendantes les unes des autres. Nous verrons dans la 2ème partie que le régime de la TVA Immobilière applicable au marchand de biens est complexe et dépend de considérations pratiques nombreuses et variables.
Par ailleurs, nous verrons que la TVA peut avoir un impact sur les autres régimes fiscaux (droits de mutation par exemple) et sur l’économie globale de l’opération.
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[1] Depuis la par la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010
[2] Dans la majorité des cas. Récapitulatif DGFIP des droits d’enregistrement : https://www.impots.gouv.fr/portail/files/media/1_metier/3_partenaire/notaires/2019_05_603_dmto_2019_p_fiscal.pdf
[3] CGI. art. 726, I-2°
[4] Par opposition à la TVA sur la marge
[5] Article 1594 F quinquies du CGI – BOI-ENR-DMTOI-10-40 n°90
[6] Art. 1594-0 G III CGI : condition de superficie : « Cette exonération n’est applicable aux terrains destinés à la construction de maisons individuelles qu’à concurrence d’une superficie de 2 500 mètres carrés par maison, ou de la superficie minimale exigée par la réglementation sur le permis de construire si elle est supérieure. Elle profite sans limitation de superficie aux terrains destinés à la construction d’immeubles collectifs, à condition que les constructions à édifier couvrent, avec leurs cours et jardins, la totalité des terrains acquis. Pour les terrains destinés à la construction d’immeubles non affectés à l’habitation pour les trois-quarts au moins de leur superficie totale, elle est applicable dans la limite des surfaces occupées par les constructions à édifier et par les dépendances nécessaires à l’exploitation de ces constructions.»
[7] Voir Art. 1594-0 G IV et IV bis et Art. 266 bis de l’annexe III