L’activité civile des sociétés holdings les exclut normalement du champ d’application de l’exonération partielle offert par le régime DUTREIL.
Toutefois, les dispositions de l’article 787 B du CGI sont applicables aux transmissions à titre gratuit de parts ou actions de sociétés holdings animatrices de leur groupe de sociétés, toutes les autres conditions étant par ailleurs remplies.
Cette notion d’animation est complexe, l’administration a pour l’occasion intégré au BOFIP une définition.
Ainsi, les sociétés holding admises au bénéfice de l’exonération partielle sont celles qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations[1] :
– participent activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales
– et rendent, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.
Ces conditions indiquées par le BOFIP restent larges et ne sauraient être retenues de manière littérales pour considérer qu’une holding est animatrice ou non. Cette notion d’animation reste incertaine et le fruit de nombreuses interprétations jurisprudentielles. Il convient donc de prendre toutes les diligences possibles permettant de caractériser l’animation et de sécuriser l’opération.
MAJ : le nouvel article 966 du CGI (IFI) reprend la définition de la holding animatrice dans des termes identiques.
Exemple jurisprudentiel : Arrêt Cass. Com. 27 septembre 2005 (intégré dans la doctrine administrative) :
Attendu que pour confirmer le jugement, la cour d’appel a relevé qu’il n’était pas contesté que la société Cheverny ne disposait pas de structures importantes pour réaliser son activité d’animation, et a retenu que que les prestations de service rendues par la société Cheverny, sous le contrôle de M. X… personnellement, ainsi qu’il résultait de la plupart des conventions, n’étaient pas suffisantes pour considérer que cette société procurait aux filiales de manière habituelle, et par des moyens propres, des services spécifiques administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers ;
Attendu qu’en soumettant ainsi le bénéfice de la qualification de biens professionnels à l’existence, au sein de la société holding, de structures importantes pour réaliser l’animation du groupe, ainsi qu’à la fourniture par cette société de services spécifiques rendus de manière habituelle, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
L’existence de structures importantes dans la holding et de fourniture habituelle de services spécifiques aux filiales ne sont donc pas nécessaires.
Le caractère animateur d’une holding pourra être démontré par le bais d’un faisceau d’indices, notamment (critères non exhaustifs) :
- Détention majoritaire des filiales afin de permettre une influence réelle sur les décisions prises par elles[2] (il a toutefois été jugé qu’une détention minoritaire n’est pas de nature, à elle seule, à requalifier la holding en holding passive[3].)
- Mise en place d’une convention d’animation écrite prévoyant que la holding définit seule et de manière exclusive la politique générale du groupe [6]qui s’impose alors aux filiales, et que ces dernières ont l’obligation de la respecter.
- Effectivité « en pratique » de l’application de cette convention: procès-verbaux, rapports de commissaires aux comptes, comptes rendus de conseils d’administration[4] [5]
- La réalisation de prestations de services participant à la stratégie définie par la holding et à la réalisation de la politique du groupe. Toutefois ces prestations doivent aussi être nécessaires aux filiales et donc être fournies en fonction de leurs besoins et en vue de leur développement (fourniture de services spécifiques administratifs, juridiques, comptables, financiers, immobiliers, ou même des services ayant pour but l’amélioration des marges au sein du groupe). La fourniture d’une simple assistance administrative juridique ou comptable ne suffit pas à caractériser l’animation[6].
- Réalité économique des services rendus aux filiales : facturation et règlement des prestations de service (au juste prix pour éviter tout risque de remise en cause de la réalité de ces prestations).
- Exercice par la holding elle-même et pour son propre compte des fonctions de direction éligible dans les filiales[7]. Cette fonction doit être réelle et effective.
- Pleins pouvoirs de la holding dans les statuts de la filiale.
- Respect d’un timing cohérent: la notion de holding animatrice effective[8] montre bien qu’il ne suffit pas qu’elle soit animatrice, encore faut-il qu’elle l’ait été un certain temps. La jurisprudence a déjà sanctionné la concomitance entre la création de la holding et la donation des titres.[9]
La notion d’animation n’est pas la seule à prendre en compte pour pouvoir faire application du DUTREIL. En effet cette notion ne permet que de faire une assimilation à une société d’exploitation pour l’applicabilité du dispositif. Encore faut-il que les autres conditions soient remplies, notamment au regard de la prépondérance de l’activité.
La notion de prépondérance :
Notons que la notion de holding animatrice et la notion de prépondérance de l’activité éligible sont deux notions distinctes mais qui s’entrecroisent ici.
Une holding est animatrice parce qu’elle répond aux critères de l’animation (voir ci-dessus). Cette animation permet une assimilation aux sociétés opérationnelles sur le plan fiscal, lesquelles doivent avoir une activité éligible prépondérante.
Pour la holding, l’activité est l’animation des titres de participation.
Dans la holding animatrice il n’est pas nécessaire que tous les titres de participation soient animés, mais les titres animés doivent être prépondérants[10].
La détention de titres d’une filiale détenant l’immobilier d’entreprise utilisé par la société d’exploitation elle-même filiale de la holding est par exemple un cas qui implique certaines questions sur cette notion de prépondérance. La valeur de ces titres, bien que non animés, seraient alors prise en compte ? Il est possible de le penser, l’immobilier d’entreprise étant un actif utile à l’exploitation et non un actif patrimonial pur. Toutefois, aucune jurisprudence ne semble l’avoir confirmé.
Pour le DUTREIL en particulier, l’administration précise que la prépondérance de l’activité éligible est appréciée en fonction de la valeur de l’actif brut immobilisé (>50%) et du chiffre d’affaire procuré par cette activité (>50%)[11]. Cela peut poser des problèmes comme nous l’avons déjà vu : Dutreil et prépondérance de l’activité éligible).
Lorsque l’on est en présence d’une holding animatrice, la question se pose de savoir si cette notion de prépondérance avec ce double degré d’appréciation s’y applique ? La réponse ne semble pas évidente.
Un projet d’instruction jamais publié semblait faire application de ce double critère aux holding animatrices mais un Tribunal de Grande Instance semble avoir écarté cette possibilité[12]. L’administration avait fait appel.
NB : Une Cour d’appel [13] vient de rendre une décision à ce sujet. Il en ressort que :
« L’administration admet que le critère relatif au chiffre d’affaires est inopérant pour les sociétés holdings animatrices de leur groupe. »
« Reste donc à examiner le critère de l’actif brut immobilisé retenu par la doctrine. »
« Le critère de l’actif brut immobilisé retenu en doctrine ne tient pas compte de l’affectation des actifs immobilisés et circulants. »
« La seule analyse du bilan de la société holding dont il n’est pas contesté qu’elle est animatrice de ses filiales ne saurait suffire sans considération des activités du groupe. »
En l’espèce, la SA FDR établit que l’analyse du bilan montre que le montant de l’actif brut immobilisé représente 61,24 % du montant de l’actif brut, à la clôture de l’exercice, le 31 décembre 2007, ce qui démontre que le critère de l’actif brut immobilisé est rempli et dès lors que l’administration échoue à démontrer la prépondérance de l’activité civile de la société holding FDR. »
Il convient selon nous d’être vigilant. En présence d’une holding animatrice, l’activité civile ne doit pas être prédominante dans l’actif brut immobilisé lorsque l’on prend en compte les activités du groupe.
Notons qu’il peut être prudent de mettre en place un engagement de conservation supplémentaire pris par cette dernière sur la société opérationnelle. Ainsi, en cas de remise en cause du caractère animateur de la holding, il sera possible de faire application du régime applicable en présence d’une société interposée.
Pour rappel, le pacte Dutreil ne pourra pas porter sur les titres d’une holding passive (la simple détention de titres de participation est en soi une activité civile).
MAJ : Arrêt CE n°395495 du 13 juin 2018 : Le Conseil d’Etat a reconnu la qualité de holding animatrice pour l’application d’un abattement applicable sur les plus-values de valeur mobilières en prenant notamment en compte une notion de prépondérance basée sur l’actif à sa valeur vénale :
6. Il résulte de l’instruction que la société Cofices, constituée dans le cadre du rachat de la société CES par ses salariés, détenait 95 % du capital de cette société. Le président-directeur général de la société Cofices était également celui de la société CES. Des personnalités qualifiées indépendantes, spécialisées dans le secteur d’activité de la société CES, étaient membres du conseil d’administration de la société Cofices. Les procès-verbaux de conseils d’administration de la société Cofices attestaient, dès 1999, sa participation, conformément à ses statuts, à la conduite de la politique de la société CES et des filiales de celle-ci, en faisant état de plusieurs actions concrètes, telles que la recherche de nouveaux partenaires ou la détermination de projets de recherche et de développement, qui allaient au-delà de l’exercice des attributions qu’elle tirait de sa seule qualité d’actionnaire. Enfin, les sociétés Cofices et CES avaient conclu, le 6 décembre 2003, une convention d’assistance en matière administrative et en matière de stratégie et de développement, précisant que la société Cofices prendrait part activement à la stratégie et au développement de la société CES, sans pour autant remettre en cause son indépendance juridique en tant que personne morale.
7. Il résulte également de l’instruction, d’une part, que la société Cofices a été cédée pour un prix de 48,4 millions d’euros, dont 27,5 millions – soit 56,2 % – correspondaient à la valeur vénale de la société CES et, d’autre part, que les disponibilités de la société Cofices, investies en titres de placement, ont cru continûment pendant les cinq années précédentes du fait des résultats enregistrés par la société CES, ce qui permet de considérer que, pendant cette période de cinq ans, la part de la valeur vénale de la société CES dans l’actif de la société Cofices a décru pour atteindre, à la date de la cession, le chiffre de 56,2 %. Le ministre ne conteste aucun de ces éléments et se borne, en réponse à l’argumentation de la société, à faire état de la valeur comptable de la société CES à l’actif de la société Cofices, qui résulte d’une inscription beaucoup plus ancienne.
8. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus aux points 6 et 7 que la société Cofices doit être regardée comme ayant eu pour activité principale la participation active à la conduite du groupe et au contrôle de la société CES, de manière continue pendant les cinq années qui ont précédé la cession de ses titres. Par suite, elle constituait une société holding animatrice de groupe entrant dans le champ d’application du b du 2° du II de l’article 150-0 D bis du code général des impôts.
Commentaires : La prépondérance des titres de participation est appréciée en considération de la totalité de l’actif social, et pour sa valeur vénale et non sa valeur comptable comme le prévoyait la doctrine administrative.
Exemples de jurisprudence (animation reconnue ou non) :
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 octobre 2011, 10-18.601 (OUI)
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 27 septembre 2005, 03-20.665 (OUI)
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 8 février 2005, 03-13.767 (OUI)
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 8 juillet 1997, 95-14.084 (NON)
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 15 février 1994, 91-22.140 (NON)
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 2 juin 1992, 90-14.613 (OUI)
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 19 novembre 1991, 89-19.474 (NON)
[1] BOI-PAT-ISF-30-30-40-10 au III § 130 et suivants
[2] Le contrôle est ainsi présumé (Cass. Com., 2 juin 1992), cette présomption s’inverse en présence d’une simple minorité de blocage, et il appartient alors au contribuable de démontrer l’effectivité du contrôle qu’il exerce sur ses filiales (Cass. Com., 15 févr. 1994). L’article 150 O B ter prévoit par exemple que « Le contribuable est présumé exercer ce contrôle lorsqu’il dispose, directement ou indirectement, d’une fraction des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux égale ou supérieure à 33,33 % et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détient, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne ». L’administration avait émit l’idée non reprise dans le BOFIP qu’une détention de 25% + le fait d’être le 1er associé, permettait de présumer le contrôle.
[3] TGI 11 décembre 2014 + CA Paris 27 mars 2017
[4] Cass. Com., 27 septembre 2005 – Cass. Com. 10 décembre 2013 n°12-23-270
[5] Proposé par le Conseil supérieur du notariat, le Conseil national des barreaux, et le Conseil supérieur de l’ordre des experts comptables.
[6] KRUGER, la gestion fiscale des holdings, groupe revue fiduciaire, 3ème édition 2016. Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 8 février 2005. La détention par la société holding de la quasi totalité du capital de celles-ci ne suffisent pas à caractériser le rôle d’animateur de la société holding, et que M. X… ne produit à l’appui de ses affirmations sur ce point, outre une attestation de son commissaire aux comptes dépourvue d’éléments concrets justifiant son affirmation de principe relative au rôle d’animation des filiales, que des conventions d’assistance administrative, comptable, et de conseil, insuffisantes pour rapporter la preuve du rôle d’animation effective joué par la société Cofige, dès lors qu’elles font apparaître que celle-ci, même si elle leur fournit des prestations administratives, juridiques, comptables et financières, s’interdit toute intervention autre que la simple information dans la direction de ses filiales.
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que les conventions précitées prévoient que les organes dirigeants des sociétés filiales devront respecter la politique générale du groupe définie seule et exclusivement par la holding, la cour d’appel a dénaturé les dites conventions par omission
[7] Proposé par le Conseil supérieur du notariat, le Conseil national des barreaux, et le Conseil supérieur de l’ordre des experts comptables
[8] https://jacquesduhem.com/wp-content/uploads/2017/11/472-HOLDING.pdf
[9] CA DIJON 24 Octobre 2017 « …la valeur des titres sociaux de la SAS Holding X, donnés huit jours après sa création, ne peut donner lieu à l’abattement de 75 % prévu dans l’article 787 B du code général des impôts en ce qui concerne une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, aucun des documents qu’a versés aux débats M. X n’établissant l’effectivité, lors de la donation, de l’activité d’animatrice de groupe par la holding ».
[10] TGI de Paris 11 décembre 2014 n° 13/06937 : le seul fait que cette société possède également une participation minoritaire dans une filiale dont elle n’assure pas l’animation n’est pas de nature à remettre en cause sa qualité de holding animatrice. Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 10, 27 mars 2017, n° 15/02544 : Considérant que l’activité principale de la société porte ainsi sur l’animation des quatre filiales au sein desquelles elle détient une participation majoritaire ; que, contrairement à ce que soutient l’administration fiscale, le fait qu’elle détienne de manière résiduelle une participation minoritaire dans une autre société n’est pas susceptible de lui retirer son statut principal de holding animatrice.
[11] BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n°20
[12] TGI PARIS 26 février 2016 15/15706 qui déboute l’administration et retient que les commentaires administratifs n’énoncent l’exigence de la prépondérance que dans le paragraphe concernant les sociétés opérationnelles, et non dans celui spécifique portant sur les holdings animatrices. Le tribunal relève en outre qu’il serait de toute façon impossible d’appliquer aux holdings le critère qui veut que le chiffre d’affaire procuré par l’activité éligible soit au moins égal à 50% du chiffre d’affaires total de la société dans la mesure où une holding ne réalise fréquemment aucun chiffre d’affaires.
[13] Arrêt de la Cour d’appel de Paris, du 5 mars 2018, n° 16/08688.