La trésorerie d’une société, lorsqu’elle est excédentaire, c’est à dire supérieure aux besoins réels courants de l’entreprise, est source de plusieurs questions. Comment la sortir ? Comment l’utiliser ? Quels sont les impacts méconnus et quels sont les risques liés à son utilisation ? Tous ces points méritent d’être évoqués succinctement afin d’y porter une attention particulière à l’avenir.

Plusieurs points seront étudiés :

1 / Sortir la trésorerie

La trésorerie excédentaire peut, soit en raison d’un besoin de revenu, soit en raison d’une stratégie personnelle à l’associé (investissement patrimonial, transmission etc.) être sortie de la société.

A : Remboursement des comptes courants: lorsque l’associé dispose d’un compte courant à son nom, son remboursement est la possibilité à privilégier. Ce remboursement ne subira aucune fiscalité puisqu’il s’agit du remboursement d’une dette. Dans certaines stratégies de transmission, le compte courant a pu permettre de réaliser une transmission directe moins onéreuse du fait de l’existence d’un passif, ou indirecte, par l’apport en compte courant plutôt qu’en capital afin de ne pas diluer les droits des descendants par exemple. Son remboursement permet alors d’augmenter la valeur de la société par diminution de son passif.

B : Réduction de capital: la réduction de capital est une autre possibilité, mais elle droit être étudiée au cas par cas. La société, avec sa trésorerie disponible, pourra :

  • Rembourser les parts de notre client
  • Racheter des parts détenues par le client, en vue de les annuler

La première solution correspond à un remboursement des apports initiaux. La différence entre la valeur des apports et le remboursement réalisé est considéré comme un gain, un « boni », et est imposable comme une distribution. Cette solution est donc inopportune dans la majorité des cas car trop coûteuse. Toutefois, cela peut être un excellent moyen dans une logique de transmission. Les héritiers (ou donataires) pourraient, afin notamment de payer les droits de succession (ou de donation) pratiquer ce remboursement du capital social sans trop de fiscalité (valeur d’acquisition = valeur au jour de la donation).

La seconde solution entre dans une autre logique, il s’agit bien ici d’une cession de parts, dès lors :

  • Le client verra cette cession imposable, mais au régime des plus-values mobilières après application de l’abattement pour durée de détention le cas échéant et sur option, au PFU dans le cas inverse.
  • Le client sortira de la société à hauteur des parts cédées.

Attention : ici, l’objectif ne doit pas être exclusivement la sortie de liquidités avec un régime fiscal plus avantageux que celui des dividendes. La réduction de capital doit avoir un intérêt autre, ce qui est le cas lorsqu’elle a pour but de permettre de faire sortir en partie un associé (le parent ?) afin qu’il y ait une réorganisation de la détention du capital au profit des autres associés (les enfants ?) qui continueront l’activité.

NB : La mise en place du PFU à 30% uniformise ces régimes fiscaux, limitant donc l’intérêt de ce point de vue de procéder à l’une au l’autre des solutions. Mais l’option (globale) à la fiscalité du TMI après abattement peut conserver un avantage dans certains cas, notamment si la durée de détention est importante ou si un régime particulier est applicable comme le départ à la retraite  (voir Actualité : Loi de finance pour 2018).

De plus, il faut faire attention aux opérations qui ont eu lieu antérieurement. En présence d’une holding, si les parts ont été reçues en échange d’un apport de titres d’une société d’exploitation, le sursis ou plus généralement maintenant le report de l’imposition de la plus-value empêche de procéder à cette réduction de capital : il s’agit d’une cession de titres, qui fait partie des opérations faisant tomber le report, ou le sursis, et implique donc une imposition immédiate de la plus-value en report à hauteur des titres cédés (rachetés).

C : Dividendes : dernière solution, la plus courante et aussi connue que le remboursement d’un compte courant, la distribution de dividendes aux associés. L’imposition sera :

  • Soit le prélèvement forfaitaire unique de 30%
  • Soit au TMI après abattement de 40 % + prélèvements sociaux, avec CSG déductible en N+1, sur option globale.

Limites : la distribution de dividendes est limité à ce qui est dit « distribuable ». Il s’agit : L 232-11 Code de Commerce

  • Du bénéfice diminué des pertes antérieures, qui n’est pas incorporé au capital social ou mis en réserves ou mis en report bénéficiaire à nouveau (ou affecté au remboursement  d’un compte courant d’associé)
  • Des réserves et reports bénéficiaires antérieurs qui sont distribués suite à une décision collective
  • Dans la limite de la trésorerie disponible

Remarques: 

Le bénéfice dit distribuable ne correspond pas forcément au bénéfice fiscal. En effet, certains gains peuvent ne pas être imposables et certaines charges peuvent ne pas être déductibles. Voir : BOFIP n°120 à 140

NB : L’écart de réévaluation (lié à une revalorisation des actifs) n’est pas distribuable.

2 / Groupe de société

Dans un groupe de société, la trésorerie peut être utilisée entre les sociétés.

Cela peut être par apport de capitaux en capital social pour asseoir la participation de la holding dans une filiale, ou par apport en compte courant d’associés. Mais cela peut être également par simples prêts réalisés entre sociétés.

Nécessité d’une convention de trésorerie : la convention de trésorerie est indispensable pour légitimer les flux de trésorerie entre les sociétés, mais elle ne suffit pas toujours. En effet, la société qui dispose des liquidités doit trouver un intérêt à la mise à disposition de sa trésorerie. Cela peut être un intérêt commercial, un intérêt pour le groupe, pour la survie d’une filiale, ou encore que cette mise à disposition soit rémunérée.

La trésorerie globale du groupe peut également être centralisée et gérée uniquement par la société mère.

Dans tous les cas, les flux de trésorerie entre sociétés d’un même groupe doivent :

  • être justifiés par un intérêt économique commun au groupe
  • Avoir une contrepartie
  • Ne pas être excessif eu égard des capacités financières de la société

Réponse ministérielle, JO du 6 janvier 1986 p.66, Péricard Q. 25 novembre 1985 : « le concours financier doit être dicté par un intérêt économique, social ou financier commun, apprécié au regard d’une politique élaborée pour l’ensemble du groupe et ne doit ni être démuni de contrepartie, ni rompre l’équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées, ni excéder les possibilités financières de celle qui en supporte la charge. »

L’abus de bien social (au pénal), la faute de gestion (notamment pour l’aspect fiscal) sont les principaux risques encourus et qu’il convient donc de prévenir au mieux par des diligences réelles.

3 / L’abus de biens sociaux

L’acte doit être contraire à l’objet social, ou à l’intérêt de la société, et compromettre l’intégrité de la société. L’intérêt de la société doit être examiné au regard de l’intérêt du groupe (Cass. crim., 4 févr. 1985).

La définition légale de l’abus de bien social est insérée dans le code de commerce aux articles L 241-3 et L 242-6. Cela ne concerne par ailleurs que les sociétés commerciales.

Le risque ne concerne d’ailleurs pas que l’abus de biens sociaux, mais également l’abus de crédit, de pouvoir, ou des voix (voir notre article ABS (Abus de Biens Sociaux).

On le voit, le risque porte déjà sur les sociétés ayant une réelle activité économique, pour les besoins de ces dernières. Il faut en effet prendre en compte chaque société, comme une personne morale indépendante qui a un intérêt personnel à protéger, même lorsqu’il s’agit d’un groupe puisque la société doit au final y trouver son intérêt.

Dès lors, l’utilisation des fonds par une holding commerciale, au profit d’une filiale qui serait une société civile, qui pourrait d’ailleurs être à l’impôt sur les revenus, laquelle détient des biens patrimoniaux, est une situation assez courante (notamment suite à la cession d’une activité professionnelle). Elle est pourtant très contestable.

Quel est en effet l’intérêt pour la société d’injecter sa trésorerie dans une SCI qui ferait l’acquisition de biens immobiliers, le tout sans réelle contre-partie financière pour elle, et qui, au surplus, serait utilisé pour les besoins personnels du client ?

L’utilisation de la trésorerie, entre sociétés, mais également au sein de la société notamment en l’absence d’un groupe, doit être faite en ayant conscience des risques afin de ne pas franchir imprudemment la ligne rouge qui est parfois plus proche qu’on ne veux bien l’admettre.

Qu’en est-il des sociétés patrimoniales ?

Une société commerciale peut tout à fait avoir une activité civile. L’objet de la société doit alors être adapté à la situation : la société peut avoir pour but une gestion patrimoniale, avec comme objectif un enrichissement…du patrimoine de la société !

Dès lors, réaliser des investissements, financiers ou immobiliers par exemple, qui génèrent des revenus pour la société, et contribuent à sa revalorisation, est possible. D’ailleurs, la simple détention de participations pour une société holding est une activité civile, qui n’est bien entendu par remise en cause pour autant que la société entend gérer ses participations dans son intérêt direct ou indirect.

Mais, dès lors que l’associé utilise cette société à des fins personnelles (acquisition d’une résidence secondaire utilisée sans contrepartie, faire passer en charge l’acquisition et les frais d’une voiture de société alors qu’il n’existe pas à proprement parler de fonction nécessitant une activité réelle similaire à une activité professionnelle justifiant du besoin de ce véhicule, faire passer en charge son abonnement téléphonique, ses voyages etc.), qu’il s’enrichit (en dehors de l’enrichissement procuré d’abord à la société et ensuite à l’associé par la revalorisation de ses parts par exemple) ou trouve un intérêt direct ou indirect mais personnel, le risque est bien réel.

Le risque n’est pas pas que pénal : une voiture utilisée par l’associé est un avantage en nature imposable à titre personnel et soumis aux charges sociales. L’administration fiscale aura donc un double intérêt à lancer une procédure : d’abord par la perte de gains fiscaux liés à la déduction de charges sur le bénéfice de la société (voire même les pertes liées à la TVA), ensuite par la perte de gains fiscaux liés à l’imposition des revenus, même s’ils sont en « nature », de l’associé à titre personnel.  Et que dire des contrôles de l’URSSAF concernant les charges sociales sur tous ces avantages…

Face à toutes ces considérations, la détention d’une société patrimoniale de nature commerciale, ou la détention d’une société civile qui elle-même serait en partie détenue par une société commerciale, nécessite de prendre certaines mesures pour éviter les risques.

4 / Placement de trésorerie

Lorsque la société conserve sa trésorerie excédentaire, qu’elle n’est appréhendée par les associés, elle doit avoir recours au placement de la trésorerie.

Les outils sont nombreux :

  • Comptes titres
  • Contrat de capitalisation
  • SCPI, ou usufruit de SCPI
  • Investissements en private équity 
  • Fiducie
  • Comptes à terme
  • Produits structurés
  • etc.

Et certains principes doivent, comme pour un particulier, être respectés (liquidités des placements, durée des investissements, diversification etc.).

5 / Les autres enjeux de la trésorerie excédentaire

Lorsque la trésorerie est excessive au regard de ses besoins propres, les conséquences indirectes peuvent être plus nombreuses qu’il n’y parait, par exemple :

  • Pour l’ISF : l’exonération des biens professionnels n’est effective qu’à hauteur des éléments du patrimoine social nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société. Dès lors, l’exonération d’ISF pourrait être remise en cause à hauteur de la valeur qui serait considérée comme non utile, ce qui est le cas d’une trésorerie excédentaire importante.
  • Pour le Dutreil : l’exonération partielle sur les droits de mutation, en présence d’une holding interposée, ne s’applique qu’à hauteur des participations éligibles. La trésorerie sortira donc de l’exonération et sera transmise avec une imposition plus importante. Concernant les holding animatrices et sociétés opérationnelles, la trésorerie peut être prise en considération dans les conditions rappelées ci-dessus pour l’ISF.

Cass. crim., 4 févr. 1985  : LE CONCOURS FINANCIER APPORTE, PAR LES DIRIGEANTS DE FAIT OU DE DROIT D’UNE SOCIETE, A UNE AUTRE ENTREPRISE D’UN MEME GROUPE DANS LAQUELLE ILS SONT INTERESSES DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT, DOIT ETRE DICTE PAR UN INTERET ECONOMIQUE, SOCIAL OU FINANCIER COMMUN, APPRECIE AU REGARD D’UNE POLITIQUE ELABOREE POUR L’ENSEMBLE DE CE GROUPE, ET NE DOIT NI ETRE DEMUNI DE CONTREPARTIE OU ROMPRE L’EQUILIBRE ENTRE LES ENGAGEMENTS RESPECTIFS DES DIVERSES SOCIETES CONCERNEES, NI EXCEDER LES POSSIBILITES FINANCIERES DE CELLE QUI EN SUPPORTE LA CHARGE ;LE CONCOURS FINANCIER APPORTE, PAR LES DIRIGEANTS DE FAIT OU DE DROIT D’UNE SOCIETE, A UNE AUTRE ENTREPRISE D’UN MEME GROUPE DANS LAQUELLE ILS SONT INTERESSES DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT, DOIT ETRE DICTE PAR UN INTERET ECONOMIQUE, SOCIAL OU FINANCIER COMMUN, APPRECIE AU REGARD D’UNE POLITIQUE ELABOREE POUR L’ENSEMBLE DE CE GROUPE, ET NE DOIT NI ETRE DEMUNI DE CONTREPARTIE OU ROMPRE L’EQUILIBRE ENTRE LES ENGAGEMENTS RESPECTIFS DES DIVERSES SOCIETES CONCERNEES, NI EXCEDER LES POSSIBILITES FINANCIERES DE CELLE QUI EN SUPPORTE LA CHARGE ;