L’apport de titres de sa société à une holding à l’IS avant cession est une des stratégies permettant la cession de sa société et à terme sa transmission le cas échant. Elle vient s’ajouter à la donation avant cession (voir notre article Donation avant cession d’une société pour purger la plus-value et quasi-usufruit), et peut sous certaines conditions permettre l’utilisation du régime fiscal Dutreil.

L’apport avant cession a pour particularité de permettre de mettre la plus-value latente sur les titres que l’on détient en report d’imposition, ou en sursis d’imposition selon que l’on contrôle ou non la société à laquelle on apporte les titres.

1 / Régime applicable pour l’apport à une société contrôlée par l’apporteur :

Depuis 2012 l’apport de titres à une société contrôlée[1] par l’apporteur implique un report d’imposition (art. 150-0-B TER CGI) automatique (avant 2012 il ne s’agissait que d’un sursis).

Ce report permet de ne pas payer la plus-value immédiatement. A la différence du sursis elle est toutefois définitivement calculée au jour de l’apport, seule son imposition est reportée.

Le report prend fin lors de l’aliénation[2] des titres reçus en échange, ou de l’aliénation par la holding des titres qu’elle a reçus dans un délai de 3 ans, sauf réinvestissement dans une activité économique à hauteur de 50% dans les 2 ans. Si ce délai n’est pas respecté le report tombe, l’imposition est payée avec intérêts de retard sur 2 ans.

Le report tombe également en cas de transfert du domicile fiscal à l’étranger antérieurement à la cession même avec réinvestissement économique.

Démembrement : l’apport de titres démembrés est possible. Le report de la plus-value sera bien pris en compte pour le nu-propriétaire. Toutefois pour l’usufruitier, il s’agit d’une cession d’usufruit qui peut tomber sous le coup de la taxation prévue à l’article 13 5° CGI (première cession à titre onéreux d’un usufruit temporaire).

Donation des titres de la holding reçus en échange de l’apport : la plus-value est imposée entre les mains du donataire sauf s’il les conserve plus de 18 mois. Passé ce délai le report est définitivement purgé.

Echange successif : les titres de la holding peuvent être eux -mêmes apportés à une autre société. Dans ce cas le report initial est maintenu quel que soit le nombre d’échanges successifs.

Remploi des capitaux suite à la cession des titres apportés avec report d’imposition : modifié par la loi du 29/12/2016 applicable au 1 janvier 2017, art. 33. Ce réinvestissement peut porter sur :

  • Le financement de moyens permanents d’exploitation affectés à l’exploitation (pas de gestion de son patrimoine donc ni de location meublée)
  • L’acquisition d’une fraction de capital d’une ou plusieurs sociétés d’exploitations conférant le contrôle de chacune d’elle
  • La souscription en numéraire au capital ou l’augmentation de capital d’une ou plusieurs sociétés d’exploitation

De plus, les biens ou titres objets du réinvestissement doivent être conservés 12 mois.

Notons que l’apport en compte courant vaut réinvestissement lorsque celui-ci a permis l’acquisition d’actifs nécessaires à l’activité sans qu’il n’y ait eu de recours à l’emprunt.

Le compte courant est ici bien lotis, ce qui n’est pas le cas de tous les dispositifs fiscaux (Dutreil par exemple, notamment dans une société interposée, voir L’animation des holding et régime DUTREIL et Dutreil et prépondérance de l’activité éligible).

Attention depuis le 1 janvier 2017, les apports avec soulte sont imposables à hauteur de la soulte si elle est inférieure à 10%. Si elle est supérieure, l’apport est immédiatement imposable.

Nb: Un complément de prix ultérieur s’ajoute à la soulte pour le calcul des 10% et pour le calcul des 50% en cas de réinvestissement. Le délai de réinvestissement de 2 ans commence à chaque versement d’un complément de prix.

Intérêts de l’opération : 

Le contribuable en apportant ses titres à une holding met en report sa plus-value. Le report durera aussi longtemps qu’il détiendra la holding.

La holding pourra ensuite céder les titres (cession de l’exploitation). Si cette cession intervient après 3 ans, la holding pourra réaliser n’importe quel investissement avec le produit de cession. Ces investissements au travers de la holding permettront au contribuable de réaliser des investissements patrimoniaux productifs de revenus complémentaires. Il est possible également de réaliser des investissements avec pour objectif une transmission Dutreil (voir notamment notre article Cash box : rendre « Dutreillable » ses investissements immobiliers).

Si la cession intervient avant 3 ans, une partie devra être réinvestie dans une activité éligible (voir ci-avant).

Enfin la donation des titres permettra de purger définitivement la plus-value si les donataires les conservent pendant 18 mois.

2 / Régime applicable à l’apport à une société non contrôlée par l’apporteur :

Il s’agit ici d’un simple rappel, nous ne nous attarderons pas sur cette possibilité dans la mesure ou la présentation faite ici se concentre sur le cas le plus fréquent d’apport de titres à une holding détenue et contrôlée par le contribuable.

L’apport de ses titres à une société non contrôlée par l’apporteur implique, depuis le 1er janvier 2000, un sursis d’imposition (art. 150-0-B CGI). La plus-value ne sera calculée et payée que lors de l’aliénation à titre onéreux des titres reçus en échange (vente, réduction de capital etc.) et en prenant en compte la valeur d’acquisition des titres avant l’apport. S’il y a une soulte lors de l’apport elle ne doit pas dépasser 10% de la valeur des titres reçus et depuis le 1er janvier 2017 la plus-value sera imposable à hauteur de cette soulte.

La cession par la suite des titres par la holding implique ici le respect de conditions jurisprudentielles différentes du report [3] de réinvestissement pour ne pas faire tomber le sursis et risquer l’abus de droit. La nature des réinvestissements éligibles est à rapprocher de ce qui est décrit ci-dessus pour le report.

Changement de régime fiscal : le changement de régime fiscal par la société qui a reçu les titres apportés du régime IS au régime IR implique la fin du sursis.[4]

Expatriation : le changement de résidence fiscale dans un autre pays fait tomber le sursis.

Donation des titres : exonération définitive de la plus-value en sursis si donation des titres reçus en échange de l’apport. Il sera alors possible pour les donataires de céder les titres de la holding sans respect d’un délai particulier. Il est toutefois recommandé ne pas le faire concomitamment.

Jurisprudence intéressante : Il peut être tenu compte des difficultés rencontrées lors du réinvestissement. Par exemple il a été jugé que l’apport n’était pas abusif dans une situation ou la société n’avait pas réinvesti mais mandaté un cabinet externe pour procéder à ce réinvestissement, et que, suite à des circonstances indépendantes de sa volonté, le processus d’acquisition avait été interrompu (CE 2 février 2013). Ce principe, visant à l’époque (les faits remontent à 1997) un report d’imposition dont les conditions n’étaient pas encore définies par l’actuel article 150-0 B ter, reste selon nous intéressant.


[1] Contrôle de la société :

  • Contribuable détenant, directement ou indirectement, ou par l’intermédiaire de son groupe familial (conjoint + ascendant + descendant+ frères et soeurs), la majorité des droits de vote ou des droits aux bénéfices.
  • Contribuable détenant la majorité des droits de vote ou des droits aux bénéfices par un pacte d’associé
  • Contribuable qui exerce en fait le pouvoir de décision

Présomption de contrôle si le contribuable a 1/3 des droits de vote ou droit aux bénéfices et qu’aucun autre associé ne détient directement ou non une participation plus importante.

[2] On entend ici par aliénation tout rachat, remboursement, annulation, vente des titres concernés. Cela vaut pour le sursis ou le report. La fin du report ou du sursis se fait à hauteur des titres concernés uniquement.

[3] Sursis d’imposition : que la société soit ou non contrôlée par l’apporteur. Si cession des titres par la holding, réinvestissement économique avec conditions jurisprudentielles (et non légales comme cela a été mis en place ensuite avec le report automatique) qui doit être significatif (38 % ? CAD aff 2014-02) et dans un délai raisonnable (< 3 ans ?) sinon abus de droit possible (CE 27 juillet 2012 n° 327295).

[4] BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20 n°540